Face à l’urgence environnementale : pratiques pédagogiques et intervention syndicale
Nous organisons une journée de stage de formation syndicale Écologie, qui aura lieu le lundi 15 et mardi 16 avril 2024 dans nos locaux au 5 rue de Lorraine à Rennes (métro Villejean). Cette formation est ouverte à tous les personnels, syndiqués ou non, de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur.
Pour rappel : Chacun a droit à 12 jours de stages par an. La participation à un stage de formation syndicale sur temps de travail est un droit que SUD éducation incite à faire vivre.
Vous venez de loin ? Dorénavant, il est possible pour les adhérent.es de se faire rembourser son trajet (train, voiture, ou autre) pour venir au stage. Il suffira d’envoyer votre ticket de transport ou votre itinéraire Mappy à syndicat@sudeducation35.fr (préciser dans l’objet du mail : Pour le trésorier) à la suite de votre stage.
Nous organisons une journée de stage de formation syndicale Pédagogies émancipatrices, qui aura lieu le jeudi 1er et vendredi 2 février 2024 dans nos locaux au 5 rue de Lorraine à Rennes (métro Villejean). Cette formation est ouverte à tous les personnels, syndiqués ou non, de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, qui souhaitent découvrir les principaux différents courants pédagogiques émancipateurs.
Pour rappel : Chacun a droit à 12 jours de stages par an. La participation à un stage de formation syndicale sur temps de travail est un droit que SUD éducation incite à faire vivre.
Vous venez de loin ? Dorénavant, il est possible pour les adhérent.es de se faire rembourser son trajet (train, voiture, ou autre) pour venir au stage. Il suffira d’envoyer votre ticket de transport ou votre itinéraire Mappy à syndicat@sudeducation35.fr (préciser dans l’objet du mail : Pour le trésorier) à la suite de votre stage.
Une autre école, pour une autre société. Depuis les débuts de la fédération et du syndicalisme à SUD éducation, la pédagogie est un axe de lutte et d’engagement pour de nombreux et nombreuses militant-es. Pour nous en effet, la politique et la pédagogie sont étroitement liées, c’est d’ailleurs l’idée que nous retrouvons dans notre slogan « une autre école pour une autre société ». Cela ne veut-il pas dire qu’un projet politique et syndical est aussi un projet pour l’école et qu’il n’y a pas de vrais projets pédagogiques pour l’école sans penser un changement politique ? Si le syndicalisme que nous défendons ne se contente pas de défendre les personnels mais est aussi porteur d’un projet de changement social, on voit mal comment il peut éviter de s’intéresser aux pédagogies qui se sont fondées sur un tel changement. Les théories et pratiques pédagogiques coopératives et critiques correspondent à ce que nous défendons et peuvent nous aider à construire des revendications utiles aux personnels tout en assurant le respect des droits et l’émancipation des élèves. Ce guide a pour objectif d’ouvrir aux adhérents de SUD éducation un accès aux différentes pratiques émancipatrices et à les sensibiliser quand à leur importance dans le militantisme syndical.
Pour télécharger la brochure au format PDF, c’est ici.
SUD éducation 35 est heureux de vous inviter à une deuxième rencontre autour d’un ouvrage publié par les éditions Pontcerq autour de la question de l’entrée des « compétences » à l’école, de la maternelle à l’université. L’ouvrage s’intitule « De la faiblesse de l’esprit critique envisagé comme compétence » et porte plus spécifiquement sur « l’éducation aux médias » et à « l’esprit critique », notamment dans le cadre de « l’EMI ». Il est disponible gratuitement en son format électronique sur le site internet des Editions Pontcerq .
Le but de la rencontre sera de présenter une critique (philosophique) (et politique) du concept de compétence. Il s’agit d’envisager la compétence comme un phénomène de « capture » de l’enseignement.
Les auteurs de l’essai évoqueront aussi la parution ce mois-ci du pamphlet De Monsieur Rey, pédagogue, dans lequel est questionné le rôle qu’ont été amenées à jouer les sciences de l’éducation dans le processus de légitimation du concept de compétence en milieu scolaire. Ce petit livre est envisagé, aussi, comme une réponse de l’enseignement à la pédagogie. (C’est-à-dire des enseignants aux pédagogues.)
Le propos est : les enseignantes et enseignants ont autre chose à dire aux pédagogues que seulement : « Vous nous ennuyez avec vos discours fumeux, inutiles et abscons… » Car les pédagogues font (malheureusement) autre chose que seulement produire des discours abscons ; ils sont une instance de légitimation pernicieuse, bien installée, à laquelle il est grand temps de s’attaquer de manière un peu décidée…
Une large part du temps sera consacré à la discussion des thèses proposées avec le public.
La rencontre aura lieu à l’Université Rennes 2, campus de Villejean, dans l’amphithéâtre E1 – Joséphine Pencalet, jeudi 22 juin 2023 à 18h15.
Elle est ouverte à tout public intéressé par la pédagogie et par les questions politiques autour de l’école.
Depuis octobre 2022, les équipes pédagogiques qui le souhaitent peuvent faire n’importe quand une demande de soutien financier pour la mise en place de projet innovant auprès de la CARDIE du 35 (Cellule Académique de la Recherche, du développement, de l’innovation et de l’expérimentation).
Pour Sud Education 35, il semble que c’est une opportunité de faire financer des projets qui tendent à développer les pédagogies émancipatrices dans sa classe et/ou son établissement.
« Les écoles et établissements qui le souhaitent, et dont le projet nécessite un soutien financier, peuvent bénéficier d’un accompagnement de la part de l’académie et de crédits du Fonds d’innovation pédagogique. Ce soutien peut être sollicité à tout moment. Il peut être ponctuel ou pluriannuel en fonction de la nature du projet. Le fonds d’innovation pédagogique est doté de 500 millions d’euros au moins sur l’ensemble du quinquennat. Si vous êtes intéressés, nous vous invitons à consulter ce lien https://www.ac-rennes.fr/cnr-educat… . Vous y trouverez toutes les informations relatives aux démarches à entreprendre.«
Nous n’avons pas eu de remontée sur ce dispositif, si quelqu’un a déjà fait appel à la CARDIE, cela nous intéresserait d’avoir des retours par mail : syndicat@sudeducation35.fr
Ce CAF était notamment consacré à la création de l’École Académique de la Formation Continue qui va se charger de mettre en œuvre le Plan Académique de Formation.
La création de cet organisme va avoir des conséquences :
=> plus de représentant.es syndicales.aux des personnels dans la constitution de l’offre de formation continue : il s’agit d’une école et non d’une instance donc cela pourra se faire sans les élu.es des personnels que sont les représentant.es syndicales et syndicaux ; l’administration nous a dit qu’elle pourra consulter les personnels par des questionnaires et enquêtes flash ; ou dixit « par des échanges avec des représentant.es des personnels mais pas forcément des élu.es des personnels »
SUD Éducation Bretagne dénonce cet évincement des organisations syndicales et cette conception très descendante de la formation : il s’agit davantage de répondre aux injonctions ministérielles que de répondre aux besoins des personnels.
lorsque les élèves sont amenés à agir et à collaborer, dans un cadre défini par l’enseignant·e et sur des objectifs pré-déterminés par lui ou elle avec le programme. Elle s’oppose aux pédagogies « traditionnelles » basées sur l’écoute et l’obéissance à des consignes d’exercisation, de mémorisation et d’évaluation. On devrait plutôt remplacer « traditionnelles » par « pédagogies passives »…car toutes ces pédagogies supposent que les parents fassent avec leurs enfants les expériences nécessaires à la compréhension de tout ce qui n’y est pas enseigné ou que les enfants reçoivent les « savoirs » comme des croyances parmi d’autres.
La pédagogie est dite « alternative »
lorsqu’elle cherche des possibilités qui ne sont pas offertes par l’école publique, en se sortant des carcans de l’État, éventuellement même des carcans du programme, (écoles « de la forêt », écoles « démocratiques », écoles « Steiner-Waldorf », écoles « Montessori »…) Hélas l’alternative, et surtout l’alternative hors contrat, reste réservée aux élèves plus riches et paye ses enseignant·es souvent une misère sociale. En sortant des carcans, ces écoles sortent des financements publics et doivent jongler entre l’argent des parents, et des économies à tous les étages.
La pédagogie est dite « coopérative »
lorsque les élèves sont amené·es non seulement à collaborer (à travailler ensemble dans le même objectif délimité par l’enseignant·e, enfant acteur·actrice de pédagogie active) mais à coopérer (enfants auteurs·autrices d’un projet qu’ils et elles mèneront à bien en partageant les impératifs, les actions, les constructions et la réalisation finale). La nuance est de taille entre collaboration et coopération. On voit bien qu’entre les « collaborateurs et collaboratrices » dans les entreprises et les coopérateurs dans les SCOP, l’engagement n’est pas le même. La coopération suppose de l’enthousiasme, de l’énergie, du progrès partagé afin que chacun puisse y puiser l’énergie de se dépasser dans ses apprentissages.
La pédagogie est dite « de projets »
lorsqu’une part du programme est portée par des actions réelles dans lesquelles les enfants peuvent être acteurs·actrices ou auteurs·autrices. Attention, lorsque le ou la conseiller·e pédagogique ou l’IPR vient vous proposer un « projet » surgelé à décongeler et consommer en classe, ce n’est pas de la pédagogie de projet, parfois les élèves ne sont ni acteurs·actrices, ni auteurs·autrices, ne décident de rien et finissent par faire n’importe quoi le jour de la « restitution » d’un pseudo projet dans lequel ils et elles n’ont rien appris. Un « projet » c’est une action dans laquelle les élèves et l’enseignant·e se projettent, dont ils et elles décident ensemble des modalités, du financement, des actions et de la réalisation finale, ce n’est pas le faire valoir du recteur ou de la rectrice ou du Conseil départemental.
La pédagogie est dite « moderne »
lorsqu’elle est basée sur des savoirs validés, sur des méthodes scientifiques d’expérimentation et d’appropriation et la capacité de la science d’en remettre en cause les résultats. Il fut une époque où on apprenait aux filles surtout à coudre, à broder, à copier, à réciter des prières et à être obéissantes. Marie Curie et Paul Langevin avaient donc décidé d’élever leurs enfants à la science, dans une « école » installée dans leur laboratoire, et animée par des étudiants en sciences et eux même, tant le niveau de « modernité » était faible, surtout pour Pierre et Marie Curie, qui avaient deux filles. Elle s’oppose à la pédagogie « traditionnelle » qui utilise le manuel comme une bible, avec une croyance dans « l’unique source du savoir ». Les BCD, les CDI, les activités de documentation, de réflexion sur les fake news, sur l’information des réseaux sociaux, les expérimentations en sciences, en biologie, en jardinage, dans la nature sont des procédures indispensables pour défendre une modernité qui ne prend jamais une ride.
La pédagogie est dite « expérimentale »
lorsqu’elle tente des fonctionnements qui n’avaient pas encore été tentés, avec des tiers qualifiés pour valider et étudier les effets réels. Donc ni Freinet, ni Montessori ne sont aujourd’hui des pédagogies expérimentales, puisque ce sont des pédagogies anciennes, dont les effets ont déjà été étudiés, repérés, et évalués. Mais l’une comme l’autre évoluent dans la durée, et Freinet aujourd’hui, ce n’est sans doute pas ce qui se faisait dans des classes de 45 garçons de 6 à 14 ans à la campagne dans les années 20.
La pédagogie est dite « émancipatrice »
lorsqu’elle permet aux enfants d’apprendre des choses qu’ils n’auraient pas pu apprendre avec leurs parents, de visiter des lieux dans lesquels leurs familles ne les auraient pas emmenés, de lire des ouvrages, de voir des films, d’écouter des concerts, de comprendre des démarches scientifiques qui échappent à la culture de leurs parents. Bref, il faudrait emmener les enfants de différentes régions, de différents milieux sociaux à se rencontrer et à confronter leurs acquis culturels. Freinet et la correspondance scolaire en a inventé le début.
La pédagogie est dite « critique »
lorsqu’elle permet d’affiner les armes intellectuelles pour lutter contre les oppressions et l’exploitation. Il s’agit de réflexions et d’actions collectives, portées par les élèves, en fonction de leur âge et de leur niveau d’engagement. Le terme « critique » ne doit pas être perçu en négatif. Au contraire, il s’agit d’agir éthique, dans le réel, en réfléchissant aux enjeux.
La pédagogie est dite « Freinet » ou « Montessori » ou « Steiner » ou « institutionnelle »,
lorsque qu’elle prétend se rattacher aux travaux des auteurs ou des courants cités. Mais attention, il n’existe aucun « label » certifiant quoi que ce soit. Bien des gens pensent faire « de la pédagogie Freinet » car ils ont acheté 3 fichiers de travail individualisé, d’autres ouvrent des « écoles Montessori » dans lesquelles les enfants sont avec des « éducatrices » de formation ATSEM avec 5 jours de formation « Montessori » au rabais,…Quand aux « écoles Steiner », certaines sont même des lieux inquiétants, tenus par des personnes sectaires et empreintes de crédulités anthroposophes et anti-vaccination …Toutes ou presque sont des écoles privées sélectives qui prennent des labels « démocratiques », « pédagogie active », « bienveillance », « bilingue » pour construire un apartheid social assumé, tout comme les écoles religieuses dont l’objectif est souvent moins de transmettre des croyances que de mettre des enfants hors de l’école publique, dont le niveau de dégradation finit par effrayer les parents. La plupart de ces écoles ont perdu toute ambition sociale ou militante, même s’il reste quelques Diwan ou Calendreta qui assurent l’enseignement de langues régionales et sont issues des luttes pour défendre ces cultures.
Nous devons nous battre pour permettre à chaque enseignant·e de construire ses propres pratiques pédagogiques, et d’en assumer le questionnement dans des temps de formation, de réunion et de partage avec ses collègues, dans un cadre public, gratuit, et ouvert à tous les enfants, sous la surveillance d’une médecine scolaire qui permette de garantir des conditions d’hygiène et de santé pour tous, avec l’aide de RASED, de CMPP, de SESSAD, de CLAMS, d’ITEP, de classes adaptées et d’AESH qualifiées et titulaires pour tous les enfants qui peinent à apprendre. Tous doivent pouvoir obtenir gratuitement les prises en charge et les étayages dont ils ont besoin, en partageant leur enfance dans les écoles publiques avec tous les autres enfants de leur âge.
SUD Éducation Bretagne organise un stage de formation syndicale « Le genre à l’école : questionner les normes, combattre les oppressions » jeudi et vendredi 2-3 mars 2023 à Brest.
Programme du stage
Jour 1 – jeudi 2 mars : Genre et sexualités à l’école : débusquer et questionner les normes
Intervenante : Gabrielle Richard, sociologue et chercheuse, Laboratoire LIRTES, Université de Paris-Est Créteil, Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres, Université du Québec à Montréal
Description Les enjeux relatifs au genre et à la sexualité interpellent frontalement les institutions scolaires françaises et interrogent les personnels éducatifs qui y travaillent.
L’école républicaine dessert-elle ses élèves en considérant n’être fréquentée que par des personnes qui sont/seront cisgenres, conformes aux stéréotypes de genre et hétérosexuelles ? Comment les jeunes queers vivent-iels l’école ? Comment intervenir/enseigner dans une perspective d’inclusion des personnes LGBTQ, de manière à créer les conditions d’une scolarité optimale pour l’ensemble des élèves ? Comment accompagner les jeunes trans ou non-binaires ?
Cette journée de formation sera l’occasion de clarifier le vocabulaire relatif au genre et aux sexualités, de dresser un état de la recherche sur les expériences scolaires des jeunes LGBTQ, ainsi que d’établir des lignes directrices pour l’intervention auprès de ces jeunes, de manière à favoriser leur bien-être et leur réussite scolaire.
9h15-9h30 : Présentation et attentes des participantꞏes 9h30-10h15 : Distinction sexe-genre-sexualités et éléments de vocabulaire 10h15-10h45 : Les jeunes trans et/ou non-binaires 10h45-11h : Pause 11h-12h30 : Vivre l’école en tant que jeunes queers + impacts 12h30-14h : Pause déjeuner 14h-14h30 : Le rôle de l’école : lois et règlements qui encadrent nos actions 14h30-16h : Approches pédagogiques (pédagogie inclusive vs pédagogie queer) et regards sur les pratiques 16h-16h30 : Partage de ressources
Jour 2 – vendredi 3 mars : Langue française et oppressions : questionner le genre dans la langue
Intervenante : Éléonore Baude, professeuse de français en collège, Master d’Études sur le Genre: Enseigner le genre dans la langue
Description Dans une perspective générale de remise en question du genre, la question de la langue s’avère primordiale puisqu’elle fait partie de notre quotidien.
Quels sont les effets que produit actuellement notre usage de la langue ? Quels enjeux constitue notre manière de parler ? Comment s’adresser aux élèves sans exclure ? Quelles formulations employer pour que chaque personne se sente concernée ? Nous découvrirons les choix historiques et politiques qui ont conduit à la construction de notre grammaire actuelle, et ce qu’ils induisent pour notre cerveau. Nous réfléchirons à nos pratiques langagières pour conscientiser les valeurs inégalitaires que l'on transmet par nos paroles et nous présenterons des solutions pour un usage de la langue plus inclusif.
9h15-9h30 : Tour de table des connaissances sur le sujet 9h30-10h15 : introduction : les enjeux autour de la langue 10h15-11h : Binarité et hiérarchisation des genres grammaticaux en langue française : les noms communs de personne 11h-11h15 : Pause 11h15-12h : Binarité et hiérarchisation des genres grammaticaux en langue française : les accords dans la phrase 12h-12h45 : Solutions concrètes et exercices 12h45-14h15 : Pause déjeuner 14h15-14h45 : les circulaires sur la langue 14h45-15h30 : sémantique : les effets du masculin générique 15h30-15h45 : pause 15h45- 16h30 : sémantique : quel sens donne-t-on aux mots du paradigme féminin
Pour rappel: Chacun a droit à 12 jours de stages par an.
Vous venez de loin ? Dorénavant, il est possible de se faire rembourser son trajet (train, voiture, ou autre) pour venir au stage. Il suffira d’envoyer votre ticket de transport ou votre itinéraire Mappy à syndicat@sudeducation35.fr (préciser dans l’objet du mail : Pour le trésorier) à la suite de votre stage.
Nous relayons l’essai des éditions Pontcerq, maison édition indépendante rennaise avec laquelle notre syndicat a déjà organisé une conférence à Rennes2 en octobre 2021.
Ces éditions ont édité un nouvel ouvrage qui prolonge la question de la pédagogie par compétence comme instrument utilisé par le ministère pour normer nos métiers et nous en déposséder. Il s’agit non plus de la pédagogie des SVT comme l’ouvrage précédent sur lequel nous avions fait la conférence commune, mais de la compétence « esprit critique ». Vous trouverez ci-dessous un lien vers l’ouvrage consultable gratuitement sur le site des éditions Pontcerq :
« Cher SUD éducation,
Nous sommes les Editions Pontcerq. Nous avons organisé ensemble l’année dernière, à l’université Rennes 2, une présentation du livre Le Plongeur de Pélasge de Frédéric Metz, livre dans lequel la question de la pédagogie par compétence est centrale. Cette collaboration entre Pontcerq et SUD éducation nous avait semblé intéressante et enrichissante !
Nous intervenons, en cet automne 2022, dans les universités sur la question des « compétences » et de l’« esprit critique », deux questions très actuelles dans le primaire, le secondaire, et le supérieur aujourd’hui.
Il nous a semblé que SUD éducation pourrait relayer une telle action, auprès de ses adhérents par exemple, ou via d’autres supports.
Le but est d’appeler à la constitution d’un front commun contre la « compétence » (et donc l’intrusion néolibérale), entre enseignants du supérieur et enseignants des écoles, des collèges, des lycées.
Nous savons que certains ont pu être un temps dupes de l’habillage que les « pédagogues » ont tâché de donner à la notion de compétence (qui vient de la gestion de la ressource humaine et des sciences du management) en expliquant que dans les écoles, « compétence » n’était pas à comprendre de la même manière ; que c’était même un concept émancipateur (libérant de la note, de l’autorité, etc.). Mais cet habillage (que certains firent peut-être de bonne foi) s’est révélé un leurre. La compétence est une « logique » et une logique de part en part néolibérale. Elle détruit le sens de l’enseignement.
Nous faisons donc circuler le tract suivant (cf. pièce jointe).
L’essai permet aussi de renverser certaines « évidences » sur le prétendu « esprit critique » que grâce aux biais et aux sciences cognitives les enseignantes et enseignants seraient en mesure de soudain pouvoir enseigner aux élèves.
L’essai provoque un renversement vertigineux : cet « esprit critique » est – dès lors qu’on l’envisage comme une compétence, et donc au moyen de l’approche cognitiviste – une école de la soumission à l’ordre existant. Nous prenons le temps de montrer pourquoi ; et comment. En nous appuyant sur les publications de ces cognitivistes proclamés spécialistes d’esprit critique ; et sur les textes prescriptifs de l’Education nationale (ou sur les productions d’« Eduscol »).
Et ce n’est donc plus tout à fait un hasard si cet « esprit critique » est une préoccupation du gouvernement, et que Gérald Bronner a présidé à la commission convoquée par le Président de la République pour en faire une grande cause nationale : l’esprit critique, l’EMI (IML dans la langue de l’OCDE qui l’a réclamé…), sont une manière de contourner les disciplines scolaires (philosophie, mais pas seulement) – et de manière générale on commence à comprendre que la « Compétence » elle-même est une manière de contourner les disciplines (seules capables d’exercer un esprit critique digne de ce nom). Sur cette question de l’externalisation du discours pédagogique (qu’exemplifie la création de l’entité « externe » Canopé, fournisseur de services auprès de l’Education nationale), l’essai propose une analyse à notre connaissance originale, qu’il conviendrait de relayer.
Ces thèses (ici exposée à l’emporte-pièce, mais que l’essai prend le temps d’étayer) devraient pouvoir susciter d’importantes réflexions auprès des enseignantes et enseignants.
Serait-il possible à SUD éducation de les relayer sous quelque forme que ce soit ?
*
Notre essai est très bien informé : pour la très simple raison qu’il résulte d’une collaboration entre des enseignants du secondaire et des doctorants du Supérieur, sur plusieurs années.
*
Bon courage pour les luttes en cours, et soutien de notre part aux établissements en lutte, et aux collègues frappés par des sanctions administratives, etc.
Merci aux collègues de SUD éducation qui sont sur le terrain et partout ailleurs pour lutter syndicalement contre l’intrusion néolibérale.
Merci de relayer cette intervention, ce tract, notre essai ?… ou de nous indiquer des relais possibles ?
Lundi 14 novembre se déroulera à la Maison des Association (6 cour des alliés à Rennes) une soirée débat organisée par notre syndicat autour du livre « Les chemins du collectif » d’Andrés Monteret.
L’auteur nous y présentera son essais retraçant les grandes lignes de la « Pédagogie Institutionnelle » à travers des questionnements tels que « Comment faire de la classe un lieu d’action collective tout en permettant à chacun de s’investir individuellement ? » ou encore « Comment analyser le monde et s’y engager de façon critique ? ».
Ce moment d’échanges pourra aussi permettre de comprendre plus globalement la distinction que l’on peut faire entre ces « pédagogies émancipatrices » et d’autres courants se réclamant aussi des pédagogies alternatives.
Venez nombreux à 20h à la MDA ce lundi 14 novembre.
Notre communication syndicale a pour objectif d’être lue et comprise par un maximum de collègues afin de les informer mais aussi de les convaincre qu’une autre société est possible. Néanmoins, trop souvent, nos expressions ne sont pas adaptées aux personnes handicapées. En suivant les recommandations des militant·es antivalidistes et du FALC (Facile à lire et à comprendre), nous pouvons rendre notre expression plus accessible à tou·tes. Vous trouverez dans cette fiche une série de conseils généraux dans lesquels piocher. Ils s’appliquent aussi bien à l’expression syndicale qu’à du matériel pédagogique.
1/ Les conseils pour écrire un texte inclusif
faire des phrases courtes ( 2 propositions / 2 verbes au maximum),
utiliser des mots simples et expliquer les mots compliqués, inhabituels ou appartenant au vocabulaire spécialisé,
utiliser le présent de l’Indicatif,
utiliser le style direct,
regrouper ensemble toutes les infos d’un même thème avec un titre clair et court, – éviter de multiplier les sous-titres, – renommer les choses ou les personnes plutôt que d’utiliser des pronoms, – utiliser une ponctuation simple, – utiliser des phrases actives ( exemple : « les personnels sont méprisé•es par la hiérarchie » = « la hiérarchie méprise les personnels »), – adressez-vous directement à vos interlocuteurs et interlocutrices : (exemple : « Les personnels de l’Éducation nationale ont perdu 30% de pouvoir d’achat depuis 1995 » = « Vous avez perdu 30% de pouvoir d’achat depuis 1995 » / « les personnels doivent se syndiquer pour gagner de nouveaux droits » = « syndiquez-vous pour gagner de nouveaux droits »). – ne pas utiliser de métaphores, d’abréviations, d’initiales ou d’acronymes, – ne pas utiliser l’humour ou le second degré que lorsque vous êtes certain•es qu’il sera compris par tou•tes vos lecteur•trices, – ne pas utiliser de pourcentage ni de gros nombres, – ne pas utiliser de double négation (exemple : « il ne serait pas inefficace de taxer les plus riches » = « il serait efficace de taxer les plus riches »).
2/ Caractères et police
– utiliser une police sans empâtements, claire et facile à lire (Arial, Helvetica, Open sans, Tahoma), – écrire en police 14, -utiliser la même police pour tout le corps du texte – écrire les dates en entier : « lundi 7 mars 1921 » plutôt que « le 7/03/1921 » – utiliser des chiffres (8) au lieu des mots (huit) et des chiffres romains (VIII). – ne pas écrire en italique, – ne pas souligner le texte, – ne pas écrire des mots entiers en majuscules, – éviter les césures, – éviter les caractères spéciaux (&, #) et les abréviations (« ex : », « etc »).
3/ La mise en page
– aller à la ligne à chaque phrase, – aligner le texte à gauche, ne pas justifier le texte, – utiliser des puces pour faire des listes, – numéroter les pages, – mettre en valeur les infos importantes (en gras, en encadrant, ou grâce à un pictogramme), – aérer la page : pas trop de texte sur une page, utiliser des marges importantes, laisser des espaces entre les paragraphes), – privilégier la lisibilité dans le choix des des couleurs (pas de gris ou de couleurs pastels par exemple), et des contrastes. Le texte n’est pas lisible lorsque le contraste entre le texte et l’arrière-plan n’est pas suffisant. Les principales associations de couleurs à éviter : rouge et vert, noir et rouge, blanc et jaune, vert et bleu. Les couleurs de SUD éducation sont le rouge et le noir, or un texte noir sur fond rouge ne sera pas lisible pour une partie des personnes daltoniennes ou qui rencontrent des difficultés visuelles. Vous pouvez toutefois écrire en rouge et/ou en noir sur un fond blanc ou en blanc sur un fond rouge, – utiliser un fond uni. Du texte superposé sur une image n’est pas toujours lisible.
Sarah Ghelam est libraire, spécialisée dans la littérature jeunesse. Elle a animé un atelier consacré aux Représentations en littérature jeunesse pendant le stage “Cas d’école sur la classe, le genre et la race : de quoi parle-t-on?” organisé par SUD éducation 93, Les concepts de “race” et de “genre” désignent des constructions sociales dont il convient d’interroger les représentations dans la littérature jeunesse. Sarah a partagé avec nous et sur le site https://genreed.hypotheses.org/ le contenu de son atelier. Merci à elle.
Les principes et origines de l’éducation populaire
L’éducation populaire a pour origine des pratiques associatives de collectif et d’individus qui ont pour point commun de chercher l’émancipation. L’éducation populaire est souvent portée à l’extérieur du système éducatif avec pour but de former des citoyen·nes (formations BAFA assurées par les Francas ou les CEMEA par exemple). Pourtant, l’école peut s’inspirer des nombreuses pratiques créées, discutées et transmises au fil du temps par les éducateurs et éducatrices populaires.
Dans cette fiche, nous allons proposer quelques techniques d’éducation populaire qu’il faut bien sûr adapter à son public et dont il faut garder en tête les objectifs. En effet, une technique en soi ne porte pas forcément d’idéal émancipateur. Comme le dit Adeline de Lépinay « Les démarches d’éducation populaire sont des démarches, pas un amoncellement d’outils pour rendre les réunions plus conviviales, participatives, pour faire en sorte que tout le monde s’exprime, ou encore pour s’assurer qu’on ressort avec une décision claire. Alors certes on va utiliser des outils. Mais l’essentiel, c’est de savoir où on va, par quelles étapes on a besoin de passer, et ensuite on se demande comment on va s’y prendre. Et pour répondre à cette question on ne va pas forcément utiliser un « outil » prêt à l’emploi, mais peut-être plutôt inventer de nouveaux procédés à partir de ceux qu’on a déjà expérimenté. » (https://www.education-populaire.fr/methodes-en-vrac/)
Des exemples de pratiques de l’éducation populaire
Les exemples donnés et choisis ne sont pas exhaustifs et ne montrent en aucun cas la diversité et l’ingéniosité de nos camarades éducateur·trices populaires, ils sont seulement le fruit de rencontres en formation.
– Petite histoire / Grande histoire
Proposé par feu la SCOP (société coopérative ouvrière de production) Le Pavé, coopérative d’éducation populaire, cette démarche permet de mélanger les savoirs froids (universitaires) à des savoirs chauds (ceux des individus, du quotidien). Elle consiste à indiquer dans une frise des moments collectifs de l’histoire (histoire du mouvement ouvrier, ou du féminisme…et ou des événements « moins » marquants tel que la sortie d’un livre) en indiquant sa propre histoire (individuelle ou collective) en dessous/à côté (ce que vous faisiez à ce moment-là). Une fois que chaque personne a fait sa frise, un retour collectif est nécessaire pour voir les références communes, les différences…etc.
Une manière d’adapter cela est aussi de montrer les liens que l’on a avec la grande histoire. Imaginons qu’une date clé soit la loi sur la gratuité de l’école (1883), vous n’êtes pas né·e. Vous pouvez donc indiquer quels sont vos rapports à cette loi (engagement en tant qu’enseignant·e, militant·e pour l’égalité…etc).
Exemple
Dates/événements marquants
Histoire personnelle
Références communes
– Débattre différemment
Les élèves sont souvent en demande de débat, de pouvoir donner leur opinion. Si c’est important pour différentes raisons, il est mieux de le faire de façon structurée, organisée pour ne pas avoir de débats sans argumentation ou où tout le monde est d’accord. Dans les deux premiers exemples qui suivent, le débat se fait en petits groupes et à la fois à l’écrit et à l’oral et a pour but de faire participer l’ensemble du groupe.
Les nappes tournantes
Sous cette forme, il faudra utiliser au minimum des feuilles A3, voire de plus grandes feuilles si possible. Le groupe est divisé en groupe de 3/4 personnes et chaque groupe a une feuille sur sa table.
Sur chaque feuille, soit une phrase à compléter, soit une phrase à commenter. Chaque feuille a une phrase différente. Chaque groupe réfléchit et discute et chaque membre du groupe écrit en fonction de ce qu’il pense (il n’y a pas d’obligation à tout penser pareil dans le groupe). Après 5/10 minutes de réflexion et d’écriture, il faut faire tourner les feuilles dans un groupe différent. Les élèves peuvent réagir à la fois à la phrase donnée par l’enseignant·e et réagir aux propos de leurs camarades écrits sur la feuille. Plus la feuille tourne, plus elle est remplie.
Une fois que chaque groupe a eu chaque feuille, il est possible de faire un tour rapide pour voir l’ensemble du « débat » écrit sur chaque feuille. Il est important de prendre un temps collectif pour analyser ce qui a été dit. Cela peut se faire sous la forme de lecture de phrases marquantes ou de lecture d’un texte plus « scientifique » sur le thème. Par exemple, des nappes tournantes sur la gifle et les châtiments corporels peuvent donner lieu à lecture d’un texte écrit par les député·es qui avaient proposé l’interdiction de tout châtiment corporel en France.
Le débat boule de neige
Dans ce type de débat, les élèves vont réfléchir sur un thème donné en cumulant les contributions des participant·es, comme son nom l’indique (« boule de neige ») et d’essayer de trouver un certain consensus. Il se déroule en plusieurs étapes (en fonction de la taille du groupe). Cela peut commencer individuellement, chaque élève doit réfléchir à la phrase proposée (par exemple êtes vous d’accord/pas d’accord avec ceci ?) puis la boule de neige commence : on regroupe les élèves par pairs, avec la même consigne, puis par groupe de 4, puis 8…etc en fonction du temps, de la taille de votre groupe et des possibilités de débat. A la fin, la question doit être traitée avec le groupe entier afin de trouver une position consensuelle possible.
Par exemple, un débat boule de neige pourrait se faire sur l’école idéale avec pour consigne de trouver 1 ou 2 propositions pour améliorer l’école afin qu’elle se rapproche de l’école idéale des élèves.
Les débats mouvants.
Comme leur nom l’indique, les débats mouvants ont pour caractéristique de se réaliser… en bougeant ! Outre l’avantage de se remuer un peu, de se mettre en action, ce qui peut aider certain·es élèves à s’investir dans une activité, ces débats permettent de faciliter la visualisation des arguments des un·es et des autres. Plusieurs variantes existent.
Avec « La rivière », il s’agit de proposer aux participant·es une affirmation à laquelle on peut répondre par «oui » ou « non ». Un espace de la pièce est délimité comme correspondant au « oui » et un autre au « non », avec au milieu une rivière, symbolisant l’incertitude ou une posture moins tranchée. Les participant·es se situent d’abord dans la rivière et une fois l’affirmation proposée, ils et elles peuvent se positionner plus vers le « oui » ou vers le « non » selon leur avis. Une fois les participant·es positionné·es, le débat est ouvert : chacun·e peut librement justifier sa position dans l’espace, argumenter, et éventuellement se déplacer selon qu’il·elle est convaincu·e par les arguments des un·es et des autres. L’intérêt de cette pratique est de permettre aux jeunes de visualiser concrètement tout l’éventail de réponses possibles à une question, d’approcher au plus près le concept de nuance. La position debout et la possibilité de se déplacer poussent à justifier son choix par une argumentation. Enfin, le fait d’écouter les arguments des autres et de pouvoir se positionner par rapport à eux de façon nuancée (plus ou moins près) aide aussi à formaliser sa propre opinion. Les élèves peuvent alors se dire « je suis un peu d’accord avec untel, mais pas complètement » : on sort du traditionnel face à face du débat qui peut parfois incommoder les élèves indécis·es.
Une autre façon de procéder est « l’échelle » : au lieu d’une rivière imaginaire, on dépose sur le sol de la pièce des feuilles (A4 par exemple) numérotées graduellement (de 0 à 10 par exemple). L’animateur·trice ou enseignant·e propose alors aux élèves une affirmation au regard de laquelle il s’agit situer son niveau d’adhésion, de « 0 = je ne suis pas du tout d’accord » à « 10 = j’adhère tout à fait à cette affirmation ». Une fois l’affirmation proposée, on procède comme pour la rivière et chacun·e explique son positionnement, ou bien se déplace au fil des argumentaires.
Si l’on met en œuvre ces deux variantes du débat mouvant, il faut bien garder à l’esprit que contrairement aux débats en petits groupes, le grand groupe ici peut avoir tendance à renforcer les effets habituels de la prise de parole en groupe : ne s’expriment que ceux et celles qui sont déjà à l’aise dans cet exercice. A l’enseignant·e alors d’anticiper la taille du groupe et l’organisation de la prise de parole pour éviter cet écueil.
– L’arpentage
Il s’agit là d’une méthode de découverte d’un ouvrage à plusieurs. C’est une méthode de lecture issue des cercles ouvriers puis repris et développé par l’association Peuple et Culture. La méthode peut se faire de différentes manières en fonction de votre rapport aux livres. Le but est de travailler, lire et comprendre collectivement un ouvrage. De la manière la plus « radicale », il faut diviser le nombre de pages à lire par le nombre d’élèves (vous avez 300 pages à lire pour 30 élèves, chaque élève lira 10 pages) en découpant l’ouvrage sans suivre forcément les chapitres, parties, l’organisation du livre. Il s’agit de se réapproprier l’ouvrage. Cela peut se faire de manière plus « douce » pour le livre où chaque élève doit lire une partie de l’ouvrage (un chapitre, une partie, une sous partie…etc). On peut donner une trame à remplir pour faciliter la lecture aux élèves (qu’en penses-tu ? Es-tu d’accord avec ce que tu as lu ? Qu’as-tu compris/pas compris…etc).
Une fois la lecture faite, la mise en commun peut se faire de diverses manières. Voici un exemple. Pour commencer, les élèves peuvent réagir à chaud (donner leur avis, dire ce qu’ils et elles ont compris/pas compris, aimé/pas aimé) puis la restitution peut s’organiser autour de quelques questions. Le but étant de se réapproprier collectivement une œuvre, il semble important de demander l’avis des élèves sur leur lecture.
On peut également proposer que chacun·e, pendant sa lecture, résume le propos en 3 grandes idées ou phrases, à l’aide d’un post-it, par exemple. A noter toutefois que l’objectif n’est pas forcément de trouver les idées les plus représentatives de tout le texte ou qui le synthétisent le mieux, mais celles que souhaite retenir et transmettre le lecteur ou la lectrice (par exemple, sur 10 pages lues, les idées gardées peuvent ne porter que sur quelques pages si cela semble plus pertinent au lecteur ou à la lectrice). Une fois les phrases notées, chacun·e peut lire son post-it : dans l’ordre du texte, cela permet d’avoir une idée claire de la progression du livre ; mais on peut imaginer cette lecture faite de façon aléatoire ou inverse à la progression du texte également.
Face à un ministre de l’Éducation nationale autoritaire, il y a urgence à renforcer le syndicalisme pour défendre l’école publique, gratuite, laïque et émancipatrice.
Pour bâtir cette école, développons des pratiques démocratiques dans les classes, entre collègues, dans notre syndicalisme et dans les mobilisations. Ce journal revient sur notre projet de démocratie directe : il interroge les outils qui favorisent le collectif dans la prise de décision et dans leur exécution, sans omettre les instruments nécessaires pour déconstruire les rapports de domination qui s’exercent dans la classe et dans la société en général. Remettre l’intérêt de l’enfant au centre de la pédagogie, favoriser des pédagogies actives, mettre au jour les inégalités pour mieux les combattre, telles sont les réflexions menées au sein de SUD éducation pour plus d’égalité et plus de démocratie.
Vous trouverez ci-dessous différentes ressources produites par SUD éducation pour aider à revendiquer et oeuvre concrètement pour une école plus démocratique, en tendant vers l’autogestion.
La démocratie à l’école – une brochure de SUD éducation
« L’éducation nouvelle prépare chez l’enfant, non seulement le futur citoyen capable de remplir ses devoirs envers ses proches et l’humanité dans son ensemble, mais aussi l’être humain conscient de sa dignité d’homme » (Principe de la Ligue Internationale d’Éducation Nouvelle, 1921)
SUD éducation se prononce pour la popularisation et l’usage en classe des pédagogies coopératives. Pour autant, SUD ne prétend pas trancher entre les différents courants existants (pédagogie Freinet, GFEN, pédagogie institutionnelle…) : ces fiches pédagogiques ont pour objectif de les présenter, libre à chacun·e de se les approprier en fonction de ses choix et de sa pratique. Vous trouverez dans cette fiche une présentation de la pédagogie institutionnelle, rédigée par des militant·es pédagogiques syndiqué·es à SUD éducation.
Éducateur·es et savant·es pour une Éducation Nouvelle
Après la première guerre mondiale, pédagogues et savants se retrouvent et se questionnent afin de développer une culture de paix, s’érigeant contre une éducation traditionnelle et rigide visant à l’obéissance. Ce mouvement s’affirme au sein de la Ligue Internationale d’Éducation Nouvelle dont fait partie le GFEN (Groupe français d’Éducation nouvelle) avec une idée forte, « tous capables ». Sous l’influence de penseurs tels que Rousseau, Pestalozzi, ou Jacotot, les premier·es militant·es du GFEN, Wallon ou Langevin vont travailler à créer un mouvement de recherche et de formation dont le but sera d’insuffler ses principes au sein de l’éducation des enfants. Il s’agira d’inscrire l’Éducation Nouvelle contre la compétition et l’ individualisme et pour des apprentissages solidaires mais également contre l’idéologie du don ou du handicap socio-culturel.
Ainsi le slogan « tous capable » signifie que chaque enfant a les capacités de comprendre et de créer, et donc d’être responsable de sa propre histoire. Le but est de faire de chaque enfant un acteur de sa propre vie. Il doit certes apprendre des connaissances mais aussi développer ses compétences citoyennes.
La démarche d’auto-socio-construction
« La véritable activité n’est pas l’activité extérieure, l’activité d’effectuation, c’est l’activité de l’esprit à la poursuite de la connaissance » (Édouard Claparède, L’éducation fonctionnelle)
Concept central du GFEN, théorisé par Henri et Odette Bassis, l’auto-socio-construction peut se résumer en 4 grandes axes (repris du site du GFEN) :
1/ L’apprentissage se fait grâce à des « démarches », outils réfléchis et discutés collectivement, confrontés à la réalité du terrain. Ces démarches se donnent comme but de mettre en place des situations accessibles à tou·tes mais qui questionnent néanmoins. « La consigne consiste donc à impulser une action dont l’objectif est fixé, en effet, mais non point la conduite, tout entière laissée à l’initiative de l’apprenant. »
2/ Le savoir se construit ! Il est important de montrer aux enfants la construction historique du savoir et les discussions entre scientifiques. Cela peut passer par des projets fait avec les élèves qui les mettent en situation de création tel que peuvent l’être des philosophes ou des historiens.
3/ Les démarches inventées par le GFEN sont dites d’ « auto-construction ». Les apprenant·es font face à des situations dans lesquelles ils doivent s’approprier les savoirs et non pas simplement les connaître.
4/ L’apprentissage est un apprentissage collectif, d’auto-socio-construction. L’apprenant·e apprend avec les autres, l’enseignant·e. La démarche d’auto-socio-construction se veut une démarche systémique où chaque élément interagit avec les autres, comme le montrent le schéma ci dessous (repris du site du GFEN) : – schéma
Ainsi, le travail de l’enseignant·e va être lié à 4 dimensions :
celle du savoir → se pose alors la question du but du travail donné.
celles des situations → par quel moyen atteindre les buts fixés ?
celles des apprenant·es → comment organiser la démarche pour une confrontation collective ?
celle de l’apprenant → l’enseignant·e va devoir observer chacun·e des apprenant·es
Le travail de l’apprenant·e aura des liens aussi avec 4 dimensions
celle des situations où les apprenant·es doivent se lancer dans la recherche.
celle des apprenant·es avec une confrontation à la réflexion des autres
celle de l’enseignant·es qui donne le ton (confiance et exigence)
celle des savoirs où l’apprenant·e doit en faire ses savoirs, se les approprier.
Un exemple d’auto-socio-construction, le texte recré
Inventée dans les années 70 dans le cadre du groupe du XXème arrondissement (un regroupement d’école dans le 20ème arrondissement de Paris), la démarche de texte recré avait pour but de faire vivre le texte. Cette pratique se fait mais en français mais peut très bien s’adapter à d’autres matières « littéraires ». Il faut expliquer aux apprenant·es ce qui va être demandé : après lecture d’un texte, sans prise de note, les apprenant·es vont devoir essayer de le réécrire en utilisant leur mémoire et en discutant ensemble.
Plusieurs étapes pour cela :
1/ Dans un 1er temps, il faut lire le texte à voix haute sans que personne ne prenne de notes.
2/ Ensuite, il faut demander aux apprenant·es de reconstituer individuellement le texte (noter les mots dont ils se souviennent en essayant de les replacer dans l’ordre du texte)
3/ Par groupe de 4, les élèves se mettent d’accord sur une version du texte à proposer.
4/ En groupe entier, chaque groupe fait ses propositions, discutent pour arriver à une unique proposition. A cette étape, il faut argumenter.
5/ On peut afficher le texte original à côté du texte reconstitué pour les comparer (oublis, erreurs).
Ce travail permet d’investir le texte de manière différente, collective et force les apprenant·es à réfléchir au sens des mots employés ou à l’ordre des phrases. Les différentes étapes peuvent être plus ou moins modifiées (une ou plusieurs lectures, pas de travail individuel, pas de travail de groupe) en fonction du groupe d’apprenant·es.
Une expérience historique et collective
Si les enseignant·es et militant·es du GFEN essaient d’implanter dans leur classe leurs démarches à titre individuel, il faut également noter une expérience collective, du groupe du XXème arrondissement où tout une circonscription a essayé de travailler ensemble à l’aide de démarches d’auto-socio-construction. Il s’agira de coordonner des démarches sur plusieurs écoles, avec l’aide d’autres professionnels (assisant·es sociaux·ales par exemple) et des parents avec pour objectif de faire entrer en 6ème le plus grand nombre d’élèves de quartiers populaires, à une époque où l’entrée au collège était plus compliquée.
Cet esprit collectif se retrouve également dans la revue du GFEN, Dialogue qui sert de devanture au mouvement. Chaque numéro vient montrer les réflexions et les discussions entre les militant·es d’Éducation Nouvelle. Le GFEN, se voulant un mouvement de recherche, va aussi mettre en place des universités d’été, des stages et autres formations qui vont leur permettre de démocratiser leur démarches auprès d’enseignant·es mais aussi d’autres types de pédagogues (travailleurs·euses sociaux·ales, animateurs·trices…Etc).
Aujourd’hui, la ligue internationale n’existe plus mais le GFEN travaille avec d’autres mouvements au sein du LIEN, Lien internationale pour l’Éducation Nouvelle ou au sein de mouvements tels que convergences avec d’autres mouvements d’Éducation Nouvelle (comme les CEMEA ou l’ICEM par exemple).
Le groupe ICEM 35 – pédagogie Freinet organise une table ronde le lundi 2 mai à 20h à l’Auditorium de la Maison des Associations sur le thème de la « coopération pour l’émancipation ».
Un grand nombre de nos adhérent.es participant à l’ICEM 35, nous vous transmettons à toutes et tous cette invitation. Philippe Meirieu a également été invité pour participer à cette table ronde.
SUD Éducation est un syndicat qui défend les pédagogies émancipatrices; vous pouvez trouver plusieurs fiches et analyses sur le site fédéral dans la catégorie « ressources – pédagogie »: https://www.sudeducation.org/category/pedagogie/
Ces fiches ont pour but de discuter des mouvements et courants pédagogiques (de leurs pensées et de leurs outils) ou bien de méthodes de travail en lien avec ces pédagogies.
Il arrive souvent que l’on donne à des élèves quelques responsabilités partielles et de manière irrégulière, un tel va effacer le tableau, une autre distribuera les documents. En pédagogie institutionnelle, il s’agit d’institutionnaliser ces rôles, ces responsabilités pour les rendre moins éphémères et plus démocratiques. Le but d’avoir des responsables n’est pas de décharger l’enseignant·e – même si cela peut avoir cela comme effet! – mais bien de partager son pouvoir avec ses élèves, pour les rendre acteurs et actrices de la vie en classe, responsable de leurs actions et créer un lien entre l’individu et la classe. Les élèves apprennent ainsi à devenir citoyen acteur ou actrice et responsable.
Des responsabilités, mais lesquelles ?
Faut-il faire une longue liste en début d’année et demander à ce que chacun·e est un rôle dans la classe ? Faut-il proposer seulement aux volontaires ? Dans un premier temps, proposer quelques responsabilités peut sembler plus facile à mettre en place mais il est nécessaire de prévoir à ce que chacun·e ait au moins une fois dans l’année une responsabilité. En effet, avoir une responsabilité pour un·e élève, c’est aussi l’intégrer au groupe et lui montrer qu’il ou elle fait partie de la classe, et que la classe peut avoir des attentes vis-à-vis de lui ou d’elle.
Si un événement se produit qui montre la nécessité d’une responsabilité, il faut aussi s’en saisir pour bien montrer aux élèves l’intérêt de ces responsabilités pour eux et elles comme pour la classe et pour l’enseignant·e.
Certain·es collègues vont privilégier la première option et lors de leur premier conseil coopératif, lister l’ensemble des responsabilités à pourvoir, avec les avantages et inconvénients que cela peut poser comme on peut le voir dans le tableau suivant :
Avantages
Inconvénients
– Tout le monde a une responsabilité. -Les tâches « nobles » d’organisation/gestion (animateur, président, trésorier…) sont sur le même plan que les tâches « matérielles » (clés, fichiers, fleurs…) -La période est suffisamment longue pour « rentabiliser » le temps de formation nécessaire. – La responsabilité étant choisie, on l’assume plus volontiers et avec plus de plaisir, en principe.
– Certaines responsabilités peuvent devenir moins attrayants, moins demandés : nécessité de redéfinir les tâches, d’augmenter le nombre de responsables pour telle tâche, de la jumeler avec une autre… – Les élèves n’ont pas encore l’habitude de pratiques coopératives et peuvent ne pas s’investir.
Gérer les responsabilités au jour le jour
Pour que les responsabilités soient faites de manière rigoureuse, il faut qu’elles soient nécessaires à la classe et à nous, enseignant·es d’aider nos élèves dans un premier temps à les respecter. Il peut être intéressant de parler des responsabilités en conseil coopératif, ou d’avoir un conseil des responsabilités si le conseil coopératif n’est pas utilisé. Ainsi, lors de ce conseil pourront être étudiées différentes choses : est-ce que chaque responsable fait avec sérieux sa responsabilité ? Faut-il une nouvelle responsabilité ? Faut-il supprimer une responsabilité ? Une fois encore, en donnant la parole et la décision aux élèves – sous surveillance de l’enseignante, comme garant des lois de la classe – , les responsabilités peuvent être un outil pertinent de partage du pouvoir en classe.
En fonction de votre situation professionnelle dans lequel vous enseignez (1er degré, 2nd degré, spécialisé, supérieur..), la réflexion à avoir ne sera pas forcément la même. En effet, si des élèves plus jeunes peuvent apprécier avoir une responsabilité, un·e adolescent·e pourra être plus réfractaire à ce type de pratiques.
Que nous dit la pédagogie institutionnelle sur les responsabilités ?
Les expériences de Lewin (psychologie dynamique) avaient bien montré que l’espace vécu était fonction du mode d’activité et surtout de la forme de discipline dans le groupe. Il n’est plus question ici de propriété : l’ouvrier dit « ma fraiseuse » ou « mon camion », l’institutrice dit « ma classe » sachant fort bien que ni les objets ni les lieux ne leur appartiennent. Il s’agit plutôt de sentiments de responsabilité et de liberté, de pouvoir. L’espace est ainsi délimité par sa fonction. Il est socialisé contrairement à l’espace-refuge de sécurité et, sous réserve de lois, d’autres peuvent y pénétrer. L’organisation de la classe basée sur le partage des responsabilités va délimiter ainsi des secteurs où chaque « élève de service » fera l’apprentissage de cet espace social. La classe se trouve alors partagée en de nombreux secteurs de responsabilité qui sont autant d’espaces ambigus, générateurs de conflits souvent mais qui permettent à chaque enfant de se situer les uns par rapport aux autres et surtout par rapport à l’ensemble. Les notions de propriété personnelle, propriété collective, gestion provisoire sont ainsi vécues quotidiennement.
Vers une pédagogie institutionnelle, Aïda Vasquez et Fernand Oury, Editions Matrice
“Paroles de filles” est un atelier conçu par deux professeures documentalistes dans un collège. C’est un atelier hebdomadaire de discussion en non-mixité de genre: élèves et une adulte référente. Ce dispositif a pour but de créer un espace de confiance où les élèves filles peuvent se confier, être écoutées. Mais il doit aussi faire découvrir les notions de féminisme, de sexisme et participer à l’éducation aux sexualités.
“Parole de filles” permet également de faire découvrir les médiations de communication aux élèves : tours de parole, écoute et prise de parole bienveillante, mise en place d’un cadre de discussion où l’on puisse se sentir en sécurité…
Comment mettre en place l’atelier?
Le projet a été mené par deux profs-docs mais peut être expérimenté par n’importe quel personnel motivé. L’intérêt était que nous avions le lieu CDI à disposition, plus neutre qu’une salle de classe, et que nous avions un rapport différent que les collègues profs par exemple aux élèves. La participation d’autres personnels (médico-sociaux, Vie Scolaire, agent·e…) peut également être un atout.
étape 1 : faire connaître le projet “Parole de filles”
En amont, on peut utiliser les différents moyens de communication de l’établissement (affichage dans le collège pour faire connaître le projet, un mail d’information aux équipes…) afin de trouver des élèves pour participer. En fonction de la situation, les parents peuvent être associés à la démarche.
étape 2 : organisation pratique
“Dans le collège dans lequel nous avons expérimenté “Parole de filles”, nous avons décidé de faire deux groupes selon l’âge : un groupe d’élèves de 5eme, et un groupe d’élèves de 4eme-3eme réunies, car leurs besoins et les thèmes abordés sont différents. Par exemple, les élèves plus âgées ont davantage de questions sur la sexualité et sur le corps. Nous avons choisi d’avoir une adulte référente par groupe, qui reste la même si possible. L’espace CDI était divisé en deux, une vraie “frontière” était installée pour préserver l’intimité du groupe (grilles d’exposition avec des grands tissus). Pour accentuer ce sentiment d’intimité mais aussi pour créer une ambiance agréable, nous mettions de la musique, nos choix allaient vers une playlist féministe ! “Parole de filles” avait lieu pendant la pause méridienne, de manière hebdomadaire pendant environ 30 minutes.
étape 3 : déroulement de l’atelier
Au début, l’adulte prend les tours de parole mais très vite ce rôle peut être attribué à une élève. Le déroulé est plus fluide lorsque les élèves ont déjà une pratique des conseils (cf. la fiche de SUD éducation sur les conseils coopératifs dans le second degré). Les sujets de discussion sont libres : soit une élève a une idée de thème à aborder, soit la discussion de la semaine précédente est poursuivie, soit l’adulte référente propose un thème (discrimination, relations amoureuses, harcélement, publicité, rôle des filles, actualité…).”
Retours sur l’expérience
Les élèves avaient beaucoup de questions évidemment sur les rapports sexuels, la puberté, les règles. Ces questions ne sont pas suffisamment abordées. Cela nous montre par ailleurs que ce qui est vu dans le cadre de la classe n’est pas toujours bien compris faute de pouvoir s’y exprimer librement. Un tel atelier de libération de la parole peut faire émerger des paroles graves : harcèlement, attouchements… C’est pourquoi il faut prévenir dès le début les élèves que nous pouvons être amenées à faire appel à des adultes relais si besoin (infirmières, chef.fes d’établissement…) L’atelier a permis de valoriser la parole des filles au-delà de l’atelier puisque, suite à ce projet pédagogique, deux professeures principales du collège ont demandé des conseils pour organiser une heure de vie de classe en non-mixité de genre (en 4e et en 5e). Il s’agissait de classes dans lesquels les conflits entre filles et garçons pouvaient être vifs et dans lesquels les filles avaient dit se sentir « écrasées ». Pendant que la professeure principale parlait avec les filles, une prof-doc parlait avec le groupe des garçons des inégalités de genre, du sexisme, du patriarcat dans un objectif de prise de conscience, notamment des outils disponibles au CDI. L’expérience de “Parole de filles” montre que l’émergence des la parole des filles permet de questionner et de transformer les relations sociales entre élèves dans leur ensemble.
L’atelier “Parole de filles” a fait l’objet de beaucoup de remarques, plus ou moins sérieuses, quant à la création d’un groupe « Paroles de garçons » ! Enfin, le CDI était réservé pour cet atelier et les autres élèves n’avaient donc pas accès au lieu. Cela créait à chaque fois beaucoup d’incompréhension (notamment chez les garçons) mais cela nous permettait d’expliquer pourquoi un tel projet était important.
Face à un ministre de l’Éducation nationale autoritaire, il y a urgence à renforcer le syndicalisme pour défendre l’école publique, gratuite, laïque et émancipatrice.
Pour bâtir cette école, développons des pratiques démocratiques dans les classes, entre collègues, dans notre syndicalisme et dans les mobilisations. Ce journal revient sur notre projet de démocratie directe : il interroge les outils qui favorisent le collectif dans la prise de décision et dans leur exécution, sans omettre les instruments nécessaires pour déconstruire les rapports de domination qui s’exercent dans la classe et dans la société en général. Remettre l’intérêt de l’enfant au centre de la pédagogie, favoriser des pédagogies actives, mettre au jour les inégalités pour mieux les combattre, telles sont les réflexions menées au sein de SUD éducation pour plus d’égalité et plus de démocratie.
Vous trouverez ci-dessous et en pièce jointe la brochure de SUD éducation consacrée à ces questions, ainsi que le tract qui l’accompagne !
La place centrale de l’enfant dans les pédagogies émancipatrices
Des pédagogies où tout s’imbrique.
Le terme « pédagogies émancipatrices » recoupe une multitude de courants pédagogiques, la plupart ayant émergé dans la première moitié du XXe siècle. Des pédagogies critiques incarnées principalement par la figure du brésilien Paulo Freire, aux pédagogies institutionnelles développées dans les mouvements d’éducation populaires, en passant par les travaux d’Élise et Célestin Freinet, on retrouve plusieurs principes communs permettant de les regrouper sous l’expression « pédagogies émancipatrices ».
Ces pédagogies envisagent toujours l’apprenant non pas comme un « élève » dans ce que ce terme à de restrictif à l’univers de l’école, mais comme un individu complexe et multiple dont les compétences proviennent et s’expriment au-delà des savoirs dits « académiques ». C’est la raison pour laquelle chacun de ces mouvements pédagogiques a pour principe fondamental de mettre l’apprenant au centre, de le rendre acteur de ses apprentissages, décideur des contenus qu’il souhaite travailler, qu’il s’agisse d’un apprenant adulte ou d’un enfant. Toutefois, et à la différence de la direction prise par le travail de Maria Montessori – que l’on assimile parfois à ces mouvements pédagogiques – les pédagogies émancipatrices comportent une dimension politique et sociale très prégnante : il s’agit également de faire prendre conscience à l’apprenant de sa condition d’être social (et souvent opprimé). Par des processus de conscientisation des inégalités, des enjeux de lutte sociale et des enjeux de pouvoir autour de la maîtrise de savoirs et de connaissances, l’apprenant est accompagné vers sa propre émancipation. L’un des objectifs est de s’affranchir de toute domination et dépendance, tout en développant un sens aigu du collectif, de la responsabilité et du vivre-ensemble. « L’apprenant au centre » ne doit donc pas se lire comme l’expression d’une pédagogie de l’individualisme, mais au contraire comme une démarche de responsabilisation de l’apprenant comme être social.
C’est à travers ce prisme que sont pensées les différentes activités développées par les pédagogies émancipatrices : chaque moment d’apprentissage tend vers une plus grande liberté de l’apprenant, vers une « encapacitation » ainsi que vers un questionnement du monde qui l’entoure. Ces principes habitant chacune des propositions pédagogiques que nous présentons ici, il nous paraît important de rappeler qu’elles s’imbriquent donc dans une interdépendance constante : les activités d’expression libre font écho au questionnement sur la démocratie dans la classe, de même que les démarches d’investigation résonnent dans les activités de présentation orale et sont étroitement liées aux observations faites par les enfants lorsque la classe sort de l’école.
L’enfant, un être de droits
Les pédagogies émancipatrices à travers le mouvement de l’école moderne ont eu un rôle important dans la reconnaissance des droits de l’enfant qui a abouti à la convention des droits de l’enfant adoptée à l’unanimité par l’ONU le 20 novembre 1989. Celle-ci reconnaît le droit de l’enfant à l’ accès à la vie et à l’action citoyennes.
Aujourd’hui, les pédagogies émancipatrices s’évertuent à faire en sorte que les enfants puissent exercer leurs droits, leurs libertés, leur citoyenneté et par l’exercice de ces droits, construisent les compétences qui les feront devenir des citoyen·ne·s émancipé·e·s, qui participent à la démocratie.
Elles considèrent l’école comme un lieu où les enfants apprennent en exerçant leurs libertés, parfois seul·e·s (nul besoin de la permission de l’adulte pour aller chercher un mouchoir, du matériel ou un camarade pour travailler, pour aller aux toilettes même si les déplacements peuvent avoir besoin d’être signalés à l’adulte garant de la sécurité de l’enfant), parfois avec l’adulte, parfois après avoir montré qu’on est capable de respecter les devoirs inhérents à l’exercice d’un droit : c’est le principe des ceintures de comportement de la pédagogie institutionnelle qui permettent à l’enfant de justement construire ce rapport devoirs / droits.
Le droit à s’exprimer librement va s’exercer à travers toutes les pratiques de création et d’expressions libres, rendues possibles par un cadre qui a le souci que chacun et chacune s’exprime, et pas seulement les plus à l’aise qui exercent déjà ce droit dans la sphère familiale ou ailleurs. En conseil, les plus jeunes se font passer un bâton de parole, dans les classes plus âgées, un·e élève responsable note et fait respecter les tours de parole. La priorité est donnée à celui ou celle qui a le moins parlé.
Un autre droit mis en avant dans l’école des pédagogies émancipatrices est celui des enfants à participer aux décisions qui les concernent, droit garanti par l’article 12 de la convention mais qui peine à être appliqué dans nos institutions… Et pourtant, si l’on veut que tou·te·s les enfants soient égaux devant ce droit, n’est-ce pas d’abord à l’école publique en premier qu’il conviendrait de l’exercer ? L’un des piliers de la pédagogie Freinet est justement une réelle participation des enfants aux décisions quant à leur travail et à l’organisation de la classe et de l’école. Cette participation est notamment rendue possible par les conseils coopératifs qui sont des moments d’organisation du travail, de la vie, de la classe et ou de l’école.
Ainsi, le vendredi lors du conseil bilan de la semaine, les président·e·s du conseil décrochent les 3 pochettes « J’ai un problème », « Je propose », « Je félicite » dans lesquels les camarades ont mis des papiers avec leur prénom, signifiant ainsi qu’ils et elles veulent s’exprimer dans l’un de ces moments. Le moment « Je propose » permet aux élèves d’exercer ce droit de participation. Il ne suffit souvent pas car il faut également prévoir des temps où les propositions faites et validées par la classe sont concrétisées. Ces propositions peuvent être simples et à mettre en place directement dans la classe. Par exemple, en début d’année, une élève de CP propose de décorer la classe avec des dessins d’élèves. Après discussion, les élèves décident de mettre une chemise cartonnée à disposition dans laquelle on met les dessins qu’on souhaite afficher en classe. Depuis, à chaque conseil, on ouvre la pochette, et la classe valide ou demande éventuellement de reprendre le dessin en donnant des conseils pour l’améliorer avant affichage. Pour que cette participation soit possible, il faut un « partage du pouvoir », une remise en question de la façon dont l’adulte exerce son autorité sur l’enfant.
Cela renvoie notamment au concept de « part du maître » proposé en pédagogie freinet : l’adulte est bien sûr responsable et garant de la sécurité physique, morale et émotionnelle des enfants dont il a la charge et doit en ce sens instaurer un cadre sécurisant, toutefois, les enseignant·es ne sont pas au-dessus, ni au service de, ils et elles font partie de la communauté scolaire régie par des droits et des devoirs dont les adultes aussi doivent répondre.
Il s’agit souvent de déconstruire l’autorité arbitraire de l’adulte (sous prétexte qu’il saurait ce qui est bon) sur l’enfant et la déconstruction de cette relation d’oppression n’a rien de simple, ni pour les adultes, ni pour les enfants.
Il faut alors parfois du temps pour que les enfants s’emparent de ce droit de participation, surtout lorsque la pratique du conseil n’est pas une habitude d’école, et que les enfants ont intégré qu’ils doivent « écouter les adultes ». Mais, en fin d’année, on peut avoir droit à ces conseils pépites dans lesquels l’enseignant·e peut s’effacer presque complètement.
Cette relation d’autorité des adultes sur les enfants remise en question, les adultes n’en restent pas moins la garantie des droits des enfants dont ils et elles ont la responsabilité. La responsabilité de leur faire connaître et de leur donner la possibilité de se défendre, mais aussi une responsabilité directe des libertés fondamentales parmi lesquelles l’accès à des conditions de vie dignes : le droit à un logement décent, le droit à de la nourriture en quantité suffisante, le droit à des soins, etc. Ces mêmes droits qui sont actuellement en recul en France, où de plus en plus d’enfants vivent dans la précarité.
L’ouverture au monde extérieur à l’école des pédagogies émancipatrices, c’est donc aussi être attentif aux conditions de vie des élèves, de leurs familles, ne pas fermer les yeux sous prétexte qu’à l’école les enfants seraient égaux, ne pas cloisonner sa vie professionnelle et sa vie citoyenne et agir collectivement pour que l’état assume ses responsabilités face aux enfants, pour lutter contre les oppressions vécues aussi à l’extérieur de l’école.
Si la place de l’élève est centrale dans les pédagogies émancipatrices, ces dernières cherchent à lui montrer quelle position occuper au sein de la société. En effet, l’élève est aussi une personne sociale, occupant une position sociale au sein d’une structure sociale, c’est-à-dire au sein d’une organisation de la société. Il s’agira donc à la fois de prendre conscience des rapports sociaux (de classe, de genre, de race) mais aussi de les transformer, de chercher à s’en émanciper. Il n’y a pas d’un côté, l’adulte qui va enseigner, et de l’autre l’élève qui va apprendre. En effet, selon les mots de Freire « personne n’éduque autrui, personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent ensemble par l’intermédiaire du monde ».
L’adulte va chercher à faire conscientiser les rapports sociaux inégalitaires aux élèves, et en le faisant, il va en apprendre lui-même davantage. Pour cela, il faudra enquêter sur son monde tel un sociologue. Toutefois, étudier les rapports sociaux seulement peut être source d’angoisse et démobilisant. Il faut donc également travailler avec les élèves à transformer le monde, individuellement et collectivement. On cherchera à créer ensemble une capacité d’action collective. Par exemple, travailler sur les inégalités de genre ne peut pas s’arrêter à une étude statistique de l’inégale répartition du travail domestique, il faudra réfléchir avec ses élèves à ce qu’il est possible de faire, dans nos classes, nos établissements, nos quartiers, nos villes et ainsi de suite. Pour cela, il est possible de partir d’un questionnement simple aux élèves : que faire pour lutter contre ? Les élèves ne manquent pas de propositions, même si parfois elles sont hésitantes : campagne de sensibilisation, formation du personnel et de leurs camarades, dénonciation du problème à l’éducation nationale…etc.
L’enfant dans le collectif
L’importance des moments de présentations collectives.
Ces pédagogies émancipatrices considérant l’enfant comme un être social qui n’apprend pas seulement à l’école des savoirs mais découvre aussi des savoirs-être et des savoirs-vivre, elles proposent systématiquement des temps collectifs dans l’emploi du temps de la semaine. Ainsi, l’élève peut présenter à l’oral son texte libre, son œuvre d’art, son exposé, son expérience scientifique… et le retour de la classe, sous forme de questions/remarques /suggestions, va à la fois rendre nécessaire et motivant le travail effectué en amont et en même temps susciter de nouvelles interrogations, recherches, de nouveaux travaux et aider à évoluer.
Le collectif est essentiel. Il est présent également dans les classes traditionnelles mais il ne s’agit pas de la même chose.
Du côté des classes traditionnelles, le collectif a pour but de faire assimiler aux élèves les mêmes règles et les mêmes contenus scolaires.
Du côté des pédagogies émancipatrices, le collectif veut que chaque personne soit reconnue dans sa singularité avec son apport au groupe. Là encore la différence va se faire au niveau de la place occupée par les adultes et donc par celle laissée aux élèves. Pour les pédagogies émancipatrices c’est le collectif qui permet d’apprendre. L’ adulte n’apporte pas les connaissances et leur validation. L’adulte organise et crée un cadre qui permet à l’enfant d’apporter au groupe et d’être reconnu au sein du groupe, de savoir susciter les échanges et l’entraide au sein du groupe. Le collectif prend du recul et réfléchit sur des techniques pour améliorer leurs productions, mais aussi voir qu’il peut y avoir plusieurs façons de faire. Ces moments poussent à l’ouverture aux autres : dès la maternelle, l’enfant va réaliser que le collectif peut l’aider à progresser, et que lui – même – peu importe ses capacités – peut aider et trouver sa place dans le groupe.
Les dictées coopératives : un exemple d’activité qui développe l’entraide entre élèves
La dictée coopérative est facile à mettre en place : on part sur une dictée classique, non préparée. Sauf qu’à un moment donné, les enfants ont la possibilité de demander de l’aide à la classe. De cette manière, on pousse les enfants à se poser des questions sur l’orthographe des mots : par exemple, « est-ce que manger s’écrit [an] ou [en] ? » Les élèves de la classe vont alors essayer d’apporter une aide sans épeler le mot, mais en se référant à un mot que tous savent déjà écrire (travailler par analogie) : « le début de manger, ça s’écrit comme la fin de maman ».
Cette activité permet d’enlever le stress de la dictée classique : l’enfant sait qu’il peut compter sur le groupe classe pour l’aider, et qu’il a tout intérêt à vérifier l’orthographe des mots avant de les écrire. Ce qui est au final le but d’une dictée : apprendre à écrire en faisant le moins d’erreurs possibles et avoir le réflexe de vérifier l’orthographe si l’on a un doute.
Les marchés de connaissances : quand l’enfant-apprenant devient l’enfant-enseignant
Les marchés de connaissances sont des moments où un groupe d’élèves volontaires va organiser des stands pour enseigner aux autres élèves de la classe ou de l’école des choses sur lesquelles ils se considèrent comme experts : on y voit des ateliers scoubidous, pixels arts, origamis, pâte fimo, Minecraft… ou encore des marchés sportifs (hip hop, basket, football, cirque…).
Lors de cette activité, l’adulte est un régulateur – il peut aussi gérer un stand mais ce sont essentiellement les élèves qui enseignent. L’enfant réalise que lui aussi maîtrise des connaissances qu’il peut partager, et cela lui permet de se mettre à la place de l’adulte et d’appréhender les problèmes (et solutions) qu’il peut rencontrer lors de la transmission des savoirs. Au fur et à mesure des marchés, on met en place des techniques et du matériel pour faciliter cette transmission (préparer la trame de ce qu’on va dire, cibler les compétences travaillées, rédiger un tutoriel écrit, un questionnaire pour voir si tout est bien compris…) ; on fait le point sur les droits et les devoirs des groupes participants et des groupes experts (l’importance de respecter et d’écouter, de préparer son stand correctement).
Le conseil de coopération (ou coopératif)
Fiche basée sur une pratique en cours de français dans le secondaire, adaptable à toutes les disciplines et tous les niveaux.
1- Le conseil de coop : qu’est-ce que c’est, d’où ça vient ?
Le conseil de coopération est un dispositif pédagogique qui s’inspire de la pédagogie Freinet et de la pédagogie institutionnelle. C’est une institution autogérée par les élèves : à la fois un lieu de parole, un lieu de réflexion et d’analyse mais aussi un lieu de prises de décisions, il vise à organiser à la fois le travail et la vie de la classe, comme celle de l’établissement.
« Le conseil de coopération : lieu d’apprentissage de la démocratie. C’est sans conteste l’institution de base de la classe, le lieu où les enfants établissent leurs lois, règlent leurs conflits, examinent les propositions concernant les activités et les relations au sein du groupe, mettent au point leur plan de travail, discutent de leurs réalisations. C’est un lieu d’échange, un lieu de parole où se trouvent confrontées paroles du groupe et parole de l’individu. C’est un lieu de conflits où s’expriment la lutte entre les dominant·e·s, les conflits dominant·e·s/dominé·e·s et les conflits entre groupe et individu. » (La pédagogie Freinet au collège et au lycée, publication de l’Icem secteur 2nd degré, 1997)
« Le conseil est une institution centrale de la classe de pédagogie institutionnelle. C’est un moment structuré et solennel où le groupe est confronté à son quotidien et à ses aspirations. Nous réglons des conflits et félicitons des camarades, […] nous votons des projets qui engageront toute la classe dans des apprentissages et de nouvelles organisations du groupe. Tous ces débats et décisions potentielles créent une énorme attente, réamorçant du désir, car il y a là des enjeux importants pour chacun·e. » (Andrès Monteret, Les chemins du collectif, Libertalia 2020).
2- Comment mettre en place un conseil de coopération?
À chacun·e de s’approprier cette pratique selon les élèves, les classes, les besoins et visées
Comment préparer le premier conseil de coopération?
présenter en quelques mots le conseil de coopération et annoncer aux élèves la date du premier conseil.
préparer un questionnaire à faire remplir en amont avec des questions qui font un bilan du travail et de l’atmosphère en classe (voire dans l’établissement), tout en ouvrant vers la possibilité, pour les élèves, de s’emparer des espaces, des programmes, des modalités de travail… et d’en proposer d’autres.
Quelques exemples : que penses-tu du travail en classe ? Ce qui te satisfait le plus ? Ce qui te pose problème ? Les changements que tu souhaiterais ? Qu’est-ce qu’il faudrait ajouter dans la salle, ou retirer ? Sur quoi tu as besoin d’être aidé·e ? Sur quoi tu aimerais travailler ? De quelles manières tu aimes travailler ?
à partir de ce questionnaire, la/le prof prépare l’ordre du jour du premier conseil, en rassemblant par thématiques, par exemple. On peut choisir de le détailler ou non. L’ordre du jour des conseils suivants, dans l’idéal, sera préparé par les élèves.
Ce questionnaire et ce “bilan-ordre du jour” peuvent précéder chaque conseil de coopération. Il existe des pratiques où les bilans sont faits au moyen de boîtes recueillant les idées des élèves, de tableaux où les élèves notent leurs propositions…
D’autres pratiques vont plus loin dans l’autogestion par les élèves en mettant en place des équipes tournantes pour gérer la constitution de l’ordre du jour.
préparer une présentation sommaire des rôles dans le conseil : présidence, secrétariat, gestion du temps, gestion de la parole, ainsi que les règles et le déroulement type du conseil.
Les rôles
Pour chaque conseil, les rôles sont distribués.
Président·e : l’élève ouvre et ferme le conseil et fait respecter l’ordre du jour et les règles du conseil. La ou le président·e doit rester neutre, veiller à ce qu’il n’y ait pas de hors-sujet.
Secrétaire : l’élève prend des notes sur les débats et, surtout, consigne les décisions prises.
Maître·sse de la parole : l’élève distribue la parole. Pour cela, elle ou il note le prénom des élèves qui souhaitent prendre la parole (et qui lèvent la main pour être noté·e·s) et distribue la parole dans l’ordre des inscrit·e·s. Mais si un·e élève n’a jamais parlé encore, il est possible de la ou le faire passer en priorité.
Maître·sse du temps : l’élève veille à ce que le temps accordé à chaque point soit respecté. Elle ou il peut rappeler le temps restant lorsque cela lui semble nécessaire.
Les règles
L’ensemble du groupe doit écouter et respecter la parole de la personne qui s’exprime, élève ou adulte. Chacun·e attend son tour pour pouvoir s’exprimer. Un·e élève est chargé de la distribution de la parole pour cela. Les problèmes à gérer doivent être clairement expliqués par les personnes qui en ont fait part. Une discussion a lieu ensuite pour trouver des solutions et faire des propositions concrètes. S’il n’y a pas de consensus sur une proposition, celle-ci est soumise au vote. À partir du moment où une décision est votée, tout le monde s’engage à la respecter.
Pendant le conseil
On peut imaginer plusieurs dispositions dans la salle pour favoriser la participation :
une grand rectangle avec les tables
un grand U
pas de table, mais des chaises en cercle
L’essentiel est que tou·te·s les élèves se voient et que personne ne soit exclu·e.
Le déroulement s’appuie sur le bilan préparé en amont. On peut ajouter à ce déroulé un temps dédié à chaque point :
1- Ouverture par la ou le président·e : « je déclare le conseil ouvert » ;
2- Présentation des élèves qui assument les différents rôles du conseil ;
3- Rappel des règles de fonctionnement du conseil : « on ne se moque pas, on est bienveillant et en confiance, on écoute la personne qui parle, on demande la parole ; on ne discute pas en aparté ; les élèves qui gênent trois fois ne pourront plus participer » ;
4- Lecture des décisions du conseil précédent ;
5- Lecture de l’ordre du jour à l’issue de laquelle on demande s’il y a un point à ajouter ;
6- Lecture des points positifs, appréciés dans la période écoulée ;
7- Déroulement des points à discuter et à régler si possible ;
8- Les projets en cours ;
9- Les propositions ;
10- Les responsables et la date du conseil suivant ;
11- Relecture des décisions prises ;
12- Remarques sur l’animation du conseil ;
13- Fermeture du conseil : « je déclare le conseil fermé ».
L’adulte participe au conseil au même titre que les élèves et vote mais sa voix ne compte pas davantage et n’oriente pas le vote. L’adulte conserve un droit de veto si les propositions ne respectent pas les règles de la classe.
Après le conseil
Les décisions sont conservées dans le cahier des élèves et dans le cahier de la classe, s’il en existe un. Chacun·e veille au respect des décisions car elles servent de points de repère pour la vie de la classe et les questions qui se posent. Au fil des conseils, la mémoire de la classe se construit ainsi : les décisions sont reprises, remises en question ou complétées. Les projets s’affinent, s’ajoutent les uns aux autres.
3- Quelle puissance pédagogique et émancipatrice dans le conseil de coopération ?
Comme pour toutes les pratiques pédagogiques, le risque est de ne faire du conseil de coopération qu’un outil d’organisation technique du temps et du travail, de réduire le conseil à un lieu de planification des éléments proposés par l’enseignant·e seul·e, en oubliant le potentiel de transformation de la classe et de l’école par les élèves, sans en faire un levier d’analyse critique et d’émancipation pour les jeunes.
La puissance pédagogique du conseil de coopération réside dans le fait que les élèves s’emparent de l’espace, des savoirs, du travail, y injectent les notions qui les intéressent, les questionnements (sur l’école, sur le monde) qui les préoccupent, les réalités qui les laissent perplexes ou qui les révoltent. Par cette prise de pouvoir sur ce qu’elles et ils font en classe, leur engagement dans le travail prend du sens et devient authentique. Par le conseil de coopération, les jeunes font l’apprentissage du débat et de l’analyse, réfléchissent aux situations problématiques de la classe et de l’établissement, qu’elles soient interpersonnelles ou organisationnelles, et y construisent des réponses ; elles et ils y apprennent la démocratie et l’autogestion et prennent confiance en leur pouvoir d’agir. L’émancipation ici, se traduit par l’exercice d’un esprit critique face au fonctionnement traditionnel de la classe et de l’école, et par une dynamique de transformation de ce fonctionnement.
Pour les personnels qui impulsent le conseil, cela demande un changement de posture pas toujours facile : ne plus être la personne qui domine, qui décide seul·e du déroulement des cours, des points à aborder, des modalités de travail ; mais également accepter la parole critique des élèves et s’ouvrir à leurs propositions. Cette pratique permet aussi aux personnels de s’émanciper des postures héritées de leurs propres études, descendantes et dominatrices.
Andrès Monteret, Les chemins du collectif, Libertalia 2020
La pédagogie institutionnelle au fil des jours, Cgé, Couleur livres, 2017.
Cornet Jacques, de Smet Noëlle, Enseigner pour émanciper, émanciper pour apprendre : une autre conception du groupe classe, ESF, 2013.
Le Rôle du conseil des maîtres et maîtresses
SUD éducation revendique l’auto-organisation des équipes enseignantes et cela passe par des pratiques éducatives fondées sur les valeurs de coopération et d’égalité. Nous nous opposons à la compétition chère à l’idéologie capitaliste. Nous sommes pour un fonctionnement anti hiérarchique et collégial des écoles. Pour résister aux tentations caporalistes qui se profilent derrière la reconnaissance statutaire de la fonction directoriale et aux tentatives de division des personnels enseignants : renforçons le fonctionnement démocratique des écoles par la reconnaissance du rôle décisionnel du conseil des maîtres et maîtresses avec des compétences élargies à tous les domaines de l’école.
Le conseil des maîtres et maîtresses est souverain
Composition :
Dans chaque école, le conseil des maîtres et maîtresses est composé des membres de l’équipe pédagogique suivants :
➔ le directeur ou la directrice d’école (DE) qui en exerce la présidence ;
➔ l’ensemble des maîtres et maîtresses affecté·e·s à l’école ;
➔ les maîtres et maîtresses remplaçant·e·s et en exercice dans l’école au moment des réunions du conseil ;
➔ les maîtres et maîtresses d’école ainsi que leurs remplaçant·e·s en fonction lors de la tenue du conseil ;
➔ les membres du réseau d’aides spécialisées intervenant dans l’école.
1) Présidé par le directeur ou la directrice, il se réunit au moins une fois par trimestre et chaque fois que le ou la président·e le juge utile ou que la moitié de ses membres (les enseignant·e·s) en fait la demande. Son rôle est d’organiser la vie de l’école d’un point de vue pratique (services…) et pédagogique (conseils de cycles…) et peut également donner son avis sur des problèmes ponctuels.
2) Tout membre de l’équipe peut donc demander l’ordre du jour qui doit être connu plusieurs jours avant le conseil et l’amender. Le compte rendu transmis à l’IEN doit être lui aussi connu de toutes et tous, relu et amendé collectivement.
3) Le conseil des maîtres et maîtresses a un fonctionnement démocratique (rappelons que le directeur ou la directrice est un·e collègue sans échelon hiérarchique spécifique). Les textes officiels ne définissent pas les modalités de prise de décision des équipes ; c’est donc à celles-ci de choisir les leurs (unanimité, majorité… )
.4) C’est le conseil des maîtres et maîtresses qui décide collectivement de la structure pédagogique de l’école et par conséquent de l’attribution des classes par niveau et de leur répartition (contrairement « à l’usage », le barème d’ancienneté dans le métier ou l’ancienneté dans l’école ne constituent pas une prérogative pour l’attribution d’un niveau de classe, plutôt qu’un autre ; de plus, même si l’IEN valide les structures pédagogiques des écoles, il /elle ne peut en aucun cas imposer un niveau de classe à un·e enseignant·e ).
Compétences :
Le conseil des maîtres et maîtresses donne son avis sur l’organisation du service qui est ensuite arrêtée par la direction de l’école, conformément aux dispositions du décret n° 89-122 du 24 février 1989 relatif aux directeurs et directrices d’école. Il peut donner des avis sur tous les problèmes concernant la vie de l’école. Il émet une proposition de constitution des groupes d’enseignement de langues vivantes étrangères par compétences et indépendamment des classes ou divisions, à destination du conseil d’école. Au terme de chaque année scolaire, le conseil des maîtres et des maîtresses se prononce sur les conditions dans lesquelles se poursuit la scolarité de chaque élève en recherchant les conditions optimales de continuité des apprentissages, en particulier au sein de chaque cycle. A titre exceptionnel, il peut proposer un redoublement. Cette proposition fait l’objet d’un dialogue préalable avec les représentant·e·s légaux ou légales de l’élève et d’un avis de l’inspecteur ou de l’inspectrice de l’éducation nationale chargé de la circonscription du premier degré. Le conseil des maîtres et maîtresses élabore la partie pédagogique du projet d’école, en assure le suivi et son évaluation. Il se concerte régulièrement au sujet de la progression, des acquis et des besoins des élèves.
Le projet d’école :
Dans chaque école, un projet d’école est élaboré par le conseil des maîtres et maîtresses avec les représentant·e·s de la communauté éducative. Il est adopté, pour une durée comprise entre trois et cinq ans, par le conseil d’école. Il définit les modalités particulières de mise en oeuvre des objectifs et des programmes nationaux ; il précise pour chaque cycle les actions pédagogiques qui y concourent ainsi que les voies et moyens mis·es en oeuvre pour assurer la réussite de toutes et tous les élèves et pour associer les parents ou le-la représentant·e légal·e à cette fin. Il organise la continuité éducative avec les activités proposées aux élèves en dehors du temps scolaire, notamment dans le cadre des dispositifs de réussite éducative.
Fonctionnement :
Les textes officiels ne définissent pas les modalités de prise de décision des équipes au sein du conseil des maîtres et maîtresses ; c’est donc aux équipes de choisir les leurs (unanimité, majorité…). Un relevé des conclusions du conseil est établi par sa présidence, signé par celle-ci et consigné dans un registre spécial conservé à l’école. Une copie en est adressée à l’inspecteur ou l’inspectrice de circonscription.
Le Rôle du conseil d’école
1) Le conseil d’école se réunit au moins une fois par trimestre et à la demande du directeur ou de la directrice, du maire ou de la mairesse, ou de la moitié de ses membres.
Six heures ( des 108 heures annualisées du temps de service des enseignant·es du premier degré) sont consacrées à la participation aux conseils d’école obligatoires.
2) Il est composé du directeur ou de la directrice d’école qui le préside, du maire ou de la mairesse, ou de son-sa représentant·e, des maîtresses et des maîtres de l’école et d’un·e membre du RASED (choisi·e par le conseil des maîtres et maîtresses), des représentant·e·s des parents d’élèves élu·e·s (jusqu’à un·e par classe), un·e délégué·e départementale de l’éducation nationale et l’IEN (qui vient rarement).
3) Le conseil d’école :
– vote le règlement intérieur de l’école (amendable sur les points qui ne relèvent ni de la loi ni des décrets) ;
– adopte le projet d’école (pour trois ans) ;
– donne son avis et fait des suggestions sur le fonctionnement et la vie de l’école (restauration scolaire, hygiène, rythmes scolaires…). Chaque membre peut défendre son opinion, le consensus n’étant pas une obligation.
Un relevé de conclusions de chaque conseil et réunion est consigné dans un registre. Une copie du relevé est adressée à l’inspecteur ou inspectrice de la circonscription et, pour ce qui est des réunions du conseil d’école, au maire de la commune.
Rappel: C’est lors du conseil d’école que l’on adopte la présence d’un RSST dans les écoles.
1er degré : Toutes & tous collègues, pas de chef·fe !
Le cadre réglementaire
L’enseignant·e chargé· de direction est du point de vue des textes un·e collègue comme un·e autre, sans pouvoir hiérarchique sur les autres enseignant·es, ni sur les AESH. Ses fonctions sont définies par le code de l’éducation, le décret n°89-122 du 24 février 1989 et la circulaire n° 2014-163 du 1-12-2014.
Que disent les textes ?
« Il répartit les élèves entre les classes et les groupes, après avis du conseil des maîtres. », « Après avis du conseil des maîtres, il arrête le service des instituteurs et professeurs des écoles », « Le directeur d’école assure la coordination nécessaire entre les maîtres et anime l’équipe pédagogique. »
« Il préside le conseil des maîtres qu’il réunit au moins une fois par trimestre et chaque fois qu’il le juge utile ou que la moitié de ses membres en fait la demande. Il consulte ce conseil sur toutes les questions qui relèvent de sa compétence et sur celles qui sont nécessaires à la bonne coordination de l’équipe pédagogique. Il organise les travaux du conseil et en préside les séances, établit le relevé de conclusions, le transmet à l’inspecteur de l’éducation nationale chargé de la circonscription et en assure le suivi. »
Le caractère collectif de la prise de décision apparaît clairement dans les textes. Le conseil des maîtres et maîtresses n’est pas la chambre d’enregistrement des décisions d’un·e seul·e, mais bien le lieu où l’équipe, compétente en tout point sur ce qui regarde l’école qu’elle fait fonctionner, réfléchit et décide ensemble de ce qu’elle met en œuvre.
Que pouvons-nous faire dans ce cadre ?
L’équipe, au consensus ou à la majorité, peut formuler son opposition à des organisations ou fonctionnements (structure pédagogique, horaires des récréations, répartitions d’élèves, projets pédagogiques imposés) qui affectent les conditions de travail des personnels, et par là même la qualité de leur mission d’enseignement.
Lorsque la moitié des membres de l’équipe estime nécessaire la tenue d’un conseil des maîtres et maîtresses sur un sujet de son choix, cette réunion doit se tenir que le ou la chargé·e de direction soit d’accord ou pas.
L’équipe peut demander relecture du relevé de conclusions du conseil des maîtres et maîtresses avant envoi à l’inspection, étant donné que ce relevé peut contenir les désaccords qui s’y sont exprimés. En complément du relevé de décisions, qui incombe au ou à la chargé·e de direction, les collègues peuvent désigner un·e secrétaire de séance pour prendre en note un compte-rendu des échanges.
Que se passe-t-il parfois dans les écoles ?
Nos missions et nos obligations de professeur-e-s des écoles sont définies par des textes réglementaires susceptibles d’être précisés par des circulaires. Il arrive que ces textes soient « interprétés » par les IEN dans un sens qui nous est défavorable. Les IEN réunissent les directeurs et directrices, et passent leur petite commande. Les directeurs et directrices reviennent à l’école et nous disent « c’est comme ça, c’est une décision de l’IEN ». Sauf que ce n’est pas aussi simple.
À nous de vérifier les textes, de réfléchir collectivement, et de refuser d’obéir à des ordres hors-texte ou hors-sol !
Plus largement, tout est organisé pour que les directeurs et directrices soient considéré·e·s comme nos chef·fe·s. Par exemple, dans plusieurs circonscriptions, il y a une forte pression pour que toute communication avec l’IEN passe par les directeurs et directrices : autorisations d’absence, demandes de congés formation, intentions de grève, demandes de rendez-vous, projets pédagogiques… alors qu’aucun texte ne nous y oblige. Outre le fait que cela leur rajoute du travail, ce rouage hiérarchique inutile nous prive d’un rapport direct avec nos véritables chef·fe·s et participe à laisser croire que les collègues directeurs et directrices seraient des sortes de sous-chef·fe·s.
Et à SUD, qu’est-ce qu’on en pense ?
Une école est par excellence un lieu où les personnels ont la nécessité de s’organiser collectivement pour que tout fonctionne. Le travail en équipe n’est pas accessoire, il est nécessaire et fondamental.
Nous pensons que le meilleur moyen pour qu’une équipe fonctionne, c’est par la voie démocratique, horizontale. Nous ne voulons pas d’un·e chef·fe à l’école car nous pensons que ce serait une énorme entrave à ce fonctionnement démocratique.
Nous avons besoin de temps pour réfléchir ensemble et organiser l’accueil de tou·te·s les élèves et un enseignement de qualité pour tou·te·s.
Nous revendiquons :
Un travail en équipe renforcé avec des moyens et du temps de décharge attribués aux écoles et non à des individus directeurs ou directrices. Une gestion de la décharge par le conseil des maîtres et maîtresses permettrait une direction collégiale, collective et/ou avec rotation des tâches.
L’augmentation du temps de concertation sans augmentation du temps de travail.
Des pratiques pédagogiques coopératives et émancipatrices.
Une école égalitaire et émancipatrice.
Créer du collectif en intervenant en Conseil d’Administration
Les Conseils d’Administration dans les établissements du second degré sont trop souvent relégués à un rang consultatif et se bornent à valider ou non les décisions de l’administration qui s’appliqueront quoi qu’en disent les membres des personnels, des élèves et des parents. Pour autant, il y a un enjeu certain à participer au CA, à y porter les revendications des personnels, à y défendre le service public d’éducation mais aussi à se saisir de cette instance pour impulser un fonctionnement plus démocratique, et éviter les passe-droits.
Pourquoi se présenter en CA ?
→ Avoir les informations et les diffuser : sans participation au CA, il est difficile de savoir comment le budget est utilisé, comment les heures allouées à l’établissement sont réparties, comment les contrats sont passés, etc. Et derrière ces informations « locales », ce sont bien les politiques de l’éducation qui se dessinent ! Le CA, faute de mieux, est donc au moins l’instance qui permet d’avoir une vision d’ensemble des choix faits au sein de l’établissement et au-delà par l’administration. Connaître les choix de l’administration, c’est avoir la faculté de les critiquer.
→ Construire du collectif. Le CA ne doit pas être l’apanage d’une équipe réduite de « spécialistes » qui ne rendent de compte à personne. Au contraire, la préparation des CA est l’occasion pour les collègues de se réunir (en Assemblée générale ou en heure d’information syndicale), de débattre de la situation et de définir ensemble des positions collectives et des moyens d’action. Ensemble on est plus fort : le CA et sa préparation peuvent être un pivot de l’action collective !
→ Instaurer le rapport de force. Enfin, le CA est un moment de confrontation avec la hiérarchie. Qui plus est, cette confrontation est publique, devant les parents d’élèves notamment. Les passes d’armes qui s’y déroulent avec les directions d’établissements sont autant d’occasions pour montrer notre détermination et notre capacité à faire respecter les règles. Comme dans toutes les instances, à SUD éducation, on ne (se) laisse pas faire !
Pourquoi construire une liste syndicale unitaire ?
L’union fait la force. Les tensions dans les équipes vont permettre aux directions d’établissement d’opposer les personnels et de faire croire que leurs intérêts divergent. En tant que syndicalistes SUD, nous construisons du collectif et nous replaçons l’intérêt des élèves et des personnels au cœur des préoccupations. Les baisses de moyens ainsi que la privation des heures nécessaires pour mettre en place un enseignement en groupe ou certaines options vont avoir pour conséquence des tensions dans les équipes. Il est capital de sortir de la mise en concurrence des personnels et des disciplines et de porter avec l’ensemble des personnels la nécessité d’obtenir les heures nécessaires à la réalisation du service public d’éducation.
Notre message aura plus de force s’il est porté d’une et même voix par les membres des personnels au CA, qu’importe leur statut et leur appartenance syndicale. C’est pourquoi SUD éducation porte des listes unitaires, sans forcément tenir compte de l’appartenance syndicale ou non. Ces listes unitaires doivent porter la voix du collectif et non leur opinion propre. Dans la profession de foi, ces listes s’engagent à porter les décisions prises en heures d’information syndicale et en assemblée générale des personnels en favorisant la recherche du consensus. Parfois, cela n’est pas possible. Dans ce cas, il faut construire une liste syndicale la plus large possible, de manière à rassembler toutes celles et tous ceux qui se retrouvent dans un projet démocratique.
Quels engagements ?
Au-delà d’engagements qui répondent à des questions locales, quelques grands principes peuvent être mis en avant dans une profession de foi. Il s’agit de promouvoir un fonctionnement démocratique de la liste. Par exemple, il est nécessaire que les points importants de l’ordre du jour soient débattus en amont en heure d’information syndicale, et que les membres du CA votent conformément à ce qui se décide lors de la réunion. De la même manière, les CA feront l’objet d’un compte-rendu diffusé aux personnels afin que les équipes puissent se rendre compte des débats et des positions exprimées au CA et des votes. Cette méthode permet aux personnels de prendre des décisions démocratiquement, et d’expérimenter directement ce qu’est un fonctionnement autogéré. Elle est aussi la garantie que les membres du CA détiennent un mandat impératif, qui porte les revendications et les positions des personnels sans se servir de leur statut pour obtenir des avantages personnels (HSA, IMP, crédits disciplinaires, etc.).
Fonctionnement du CA : ce que l’on peut exiger
Le CA n’est en règle générale pas une instance démocratique dans laquelle on peut faire avancer nos revendications. En revanche, c’est un jalon du rapport de force avec la direction et, à travers elle, avec l’administration. Concrètement : se battre pied à pied pour faire respecter des règles de fonctionnement, énoncer publiquement quelques vérités salutaires à travers des motions, cela permet d’instaurer un climat favorable à la défense des personnels. Par ailleurs, cela permet de faire du lien avec les parents d’élèves, en se réunissant avant le CA ou en demandant une suspension de séance pour discuter des motions, par exemple. Montrer à la direction que l’on ne (se) laisse pas faire, voilà l’un des enjeux de la présence syndicale en CA ! Et pour cela, voici en quelques points ce que l’on peut exiger, ainsi que les articles à opposer à la direction en cas de conflit ou de réticence.
Obligation d’information
La direction a une obligation d’information des membres du CA. L’article R421-25 lui fait obligation de communiquer les documents préparatoires au moins huit jours à l’avance. N’hésitez pas à le rappeler à l’administration, et à faire fixer au moins ce délai dans le règlement intérieur du CA.
Ordre du jour et motions
Le CA n’adopte plus l’ordre du jour, qui est désormais fixé par la présidence. Cela montre bien quel est le mépris dans lequel l’administration tient les personnels comme les usagers et usagères. Néanmoins, les membres du CA peuvent demander qu’un point soit mis à l’ordre du jour : l’administration est tenue d’en “tenir compte”, comme l’indique l’article R421-25 du code de l’éducation.
Les membres du CA peuvent aussi proposer des motions. Ces motions sont un court texte qui exprime la position des personnels, des parents, des élèves. Ce texte doit être joint au PV de la séance et à son compte-rendu transmis à l’administration. L’intérêt d’une motion est qu’elle permet de marquer une position commune.
Obligation de réunir le CA et quorum
Le CA ne peut se réunir valablement que si le quorum est réuni. Lorsque le dialogue est compliqué ou rompu avec l’administration, il peut être utile d’organiser conjointement avec élèves et parents le refus de siéger, afin que la majorité des membres du CA ne soit pas atteinte. La direction doit alors convoquer un nouveau CA entre cinq et huit jours plus tard, sauf urgence.
Lorsqu’il est question de la répartition des moyens, comme sur d’autres questions relatives à l’autonomie des établissements, la commission permanente doit impérativement avoir été réunie. Cette dernière peut exiger la consultation d’un conseil pédagogique, pour obliger l’administration à affronter l’ensemble de la communauté éducative. Ce peut également constituer un levier démocratique pour que l’ensemble des personnels soit informé des choix effectués par l’administration. Attention, la démocratie formelle atteint vite ses limites : si le CA refuse la DHG, lors de sa deuxième présentation la présidence aura de toute façon le dernier mot, et imposera la répartition présentée.
De même, si la moitié des membres du personnel au CA demande la convocation d’un CA extraordinaire, l’administration est obligée de l’organiser sur l’ordre du jour proposé. Menacer de recourir à ce moyen peut conduire l’administration à accepter de traiter des points qu’elle se refuse à mettre dans l’ordre du jour.
Pour aller plus loin, n’hésitez pas à consulter les guides suivants sur le site de SUD éducation, rubrique Guides Second degré :
Travailler et résister dans le second degré : guide à l’usage des personnels
DHG en collège et LGT
Budget d’un EPLE.
Références : toutes les questions relatives au CA sont réglées par les dispositions inscrites dans le code de l’éducation, de l’article R421-14 au R421-36.
Dialogue social ? à SUD, on ne négocie pas les reculs sociaux !
C’est semble-t-il un passage obligé . Dès qu’un·e ministre est nommé·e, elle ou il déclare à qui veut l’entendre que son ministère sera celui du “dialogue social”. Pourtant, au moment même où ces paroles sont prononcées, le ministère entame une nouvelle réforme visant à démanteler le service public d’éducation et à s’attaquer aux statuts de ses personnels.
Le “dialogue social”, d’où ça vient ?
En 1936, lors de l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Front populaire, un mouvement de grève puissant démarre, pour obtenir immédiatement de nouveaux droits sociaux et la liberté syndicale. Rapidement, la grève se massifie et devient générale. Les usines sont occupées par les ouvriers et les ouvrières. En position de faiblesse, le patronat est contraint de négocier avec les représentant·e·s des salarié·e·s. Les accords de Matignon prévoient la baisse de la semaine de travail à 40 heures, les congés payés et des augmentations de salaires. Mais ils prévoient aussi la liberté syndicale, l’élection de délégué·e·s du personnel dans les entreprises, et les conventions collectives. C’est ainsi que prend forme ce qui sera plus tard appelé le “dialogue social”. Les salarié·e·s se dotent de représentant·e·s élu·e·s qui ont pour mandat de défendre les intérêts des travailleurs et travailleuses dans l’entreprise. Les organisations syndicales ont désormais la faculté de négocier des conventions collectives qui s’imposent au patronat dans tout un secteur d’activité.
Les travailleurs et travailleuses n’ont évidemment pas attendu les accords de Matignon pour se doter de représentant·e·s : lors d’une grève, elles et ils élisent depuis longtemps en assemblée générale leurs représentant·e·s. Mais désormais, cette représentation a un cadre légal plus protecteur. En mai 68, les accords de Grenelle consacreront également la section syndicale dans l’entreprise.
On observe néanmoins que les avancées sociales ont été arrachées à l’État et au patronat. Ceux-ci ont besoin de faire baisser le coût du travail pour augmenter leurs profits. Au contraire, les travailleuses et les travailleurs, avec leurs syndicats, doivent se mobiliser pour les contraindre à leur conférer de nouveaux droits ou pour récupérer une partie des richesses qu’elles et ils produisent. Les intérêts, d’une part de l’État et du patronat, et d’autre part, de ceux et celles qui produisent et participent au service public, s’opposent.
Deux conceptions opposées du dialogue social
Il existe aujourd’hui deux conceptions du dialogue social. Le patronat et le gouvernement souhaitent faire croire qu’ils sont des “partenaires sociaux” des salarié·e·s représenté·e·s par des organisations syndicales “responsables”. De ce point de vue, le dialogue et le compromis seraient les maîtres-mots d’accords gagnant-gagnant. Certaines organisations syndicales s’inscrivent dans cette démarche : elles choisissent d’accompagner les réformes libérales. Il est donc dans leur intérêt de déclarer qu’en pratiquant un dialogue et la concertation avec le patronat et l’État, il est possible d’obtenir de nouveaux droits.
Pour SUD éducation et Solidaires, cette conception est au mieux naïve. Les travailleurs et travailleuses n’arrachent en effet de nouveaux droits à leur employeur que lorsqu’elles et ils sont en capacité de l’imposer par le rapport de force. C’est bien la capacité des salarié·e·s à se mobiliser qui pousse l’employeur à discuter et négocier. Dans le secteur de l’éducation, le ministre Blanquer est insensible aux arguments et aux alertes des représentant·e·s des personnels qui défendent le service public d’éducation. Il a néanmoins reculé sur certaines dispositions de la loi “pour l’école de la confiance” lorsque les personnels et les parents d’élèves se sont mobilisé·e·s.
C’est bien dans cette perspective que SUD éducation participe aux discussions avec l’administration : il s’agit de porter les revendications des salarié·e·s, et de ne négocier que l’amélioration, pas les reculs.
Les instances de dialogue social
Il existe aujourd’hui de nombreuses instances dites de dialogue social à tous les niveaux de l’administration : le conseil d’administration et les conseils d’école en constituent à cet égard. Mais il existe aussi les commissions paritaires sur les questions de carrière, les comités techniques locaux ou ministériels, et d’autres instances telles que le conseil supérieur de l’Éducation (CSE). Le principe général de ces instances est toujours le même : il s’agit d’instances consultatives. L’administration les convoque à intervalle plus ou moins régulier sur la base d’un ordre du jour qu’elle a déterminé, et communique à cette occasion des informations. Les représentant·e·s du personnel y donnent leurs positions, et l’administration y donne la sienne.
Il ne faut pas s’y tromper : il est extrêmement rare que l’administration modifie sa position autrement qu’à la marge au cours de ces réunions. La loi ne contraint presque jamais l’administration à tenir compte de l’opposition ou des propositions syndicales.
Prenons l’exemple de la réforme du baccalauréat. En mars 2018, la plupart des organisations syndicales de l’éducation s’opposent à la réforme du bac et du lycée présentée au conseil supérieur de l’éducation. Malgré une large opposition, le ministre Blanquer mettra en œuvre son projet. En avril 2020, la suppression du BEP y est également majoritairement refusée, et les modalités d’organisation du chef-d’œuvre le sont un mois plus tard. Le ministre Blanquer poursuivra cependant son projet délétère pour les baccalauréats généraux, technologiques et professionnels.
Pour autant, SUD éducation participe à ces instances : il s’agit d’y porter la parole des personnels qui ont choisi d’élire des représentant·e·s SUD, et de relayer les mobilisations. Les élu·e·s SUD éducation y travaillent dans l’unité avec les organisations syndicales qui cherchent elles aussi à relayer les revendications des salarié·e·s, et veillent à diffuser les informations qu’elles et ils obtiennent, afin qu’elles permettent aux collègues de s’organiser sur leur lieu de travail.
Pour SUD, la véritable démocratie sociale n’est pas dans les instances, mais bien dans l’auto-organisation des travailleurs et travailleuses. SUD éducation se veut un outil syndical au service des personnels dans l’élaboration et la défense de leurs revendications.
Démocratie directe ! Dans le syndicat et dans les mobilisations !
Lorsque des syndicalistes créent les syndicats SUD à la fin des années 1980, l’aspiration à plus de démocratie syndicale est déjà là. SUD, c’est Solidaires, Unitaires et Démocratiques.
À l’origine du projet fondateur de SUD, il y a la volonté de créer une véritable alternative aux machines pyramidales que sont les grosses centrales syndicales de l’époque. Pour cela, les militant·e·s des SUD vont promouvoir des pratiques syndicales et de lutte qui font encore aujourd’hui des SUD-Solidaires des organisations “à part” dans le champ du syndicalisme : démocratie directe, rotation des tâches, contrôle des mandats…
Promouvoir la démocratie directe…
La conception de la démocratie à SUD éducation s’oppose à la démocratie représentative telle qu’on la connaît aujourd’hui en France. Dans la démocratie représentative, les citoyens délèguent leur pouvoir aux élu·e·s. Ces élu·e·s sont censé·e·s représenter la volonté générale, votent la loi et l’appliquent. Elles et ils n’obéissent pas à un mandat préétabli car les élu·e·s sont l’incarnation de la souveraineté nationale, nécessairement libre. La démocratie représentative montre néanmoins ses limites : les intérêts des élu·e·s ont tendance à primer sur ceux des électeur·trice·s, on observe des phénomènes de “pantouflage” ainsi qu’une homogénéisation des catégories socio-professionnelles des élu·e·s, tou·te·s issu·e·s des mêmes écoles.
Au contraire, SUD éducation promeut la démocratie directe : les adhérent·e·s décident directement. Ainsi, dans le syndicat SUD éducation, il n’y a pas d’élu·e·s, ce sont ses membres, les adhérent·e·s, qui exercent directement leur pouvoir de décision dans les assemblées générales.
… avec non pas des élu·e·s mais des mandaté·e·s
Réuni·e·s en assemblées générales à l’échelle locale, souvent départementale, les adhérent·e·s échangent et construisent des mandats que certain·e·s d’entre eux et elles devront porter. Ces adhérent·e·s mandaté·e·s peuvent bénéficier ou non d’une décharge de leur service dans l’Éducation nationale pour effectuer ces tâches. Si certaines tâches syndicales nécessitent un temps de décharge, celui-ci est toujours limité en quotité : jamais plus d’un mi-temps ; et en durée : jamais plus de huit ans consécutifs. Le syndicalisme, ce n’est pas un métier. Pour porter les revendications des personnels, il faut d’abord partager leur quotidien. Ensuite, on observe que ces règles permettent une rotation des mandats qui est bénéfique à la démocratie. Il faut à tout prix empêcher que les moyens syndicaux ne soient captés par une minorité de personnes qui pourraient en profiter pour améliorer leur quotidien.
L’indépendance politique : un principe fondateur
Les militant·e·s de SUD éducation se réfèrent à un texte vieux de plus d’un siècle et pourtant encore très actuel, la Charte d’Amiens, qui définit l’indépendance des organisations syndicales à l’égard du patronat et de l’État, mais aussi des groupes politiques ou religieux. Ce sont les adhérent·e·s qui décident des orientations du syndicat, et la démocratie syndicale ne saurait accepter l’intrusion de groupes qui lui sont extérieurs dans ses prises de décisions. Ainsi SUD éducation n’est affilié ni subordonné à aucun parti politique.
Vers l’autogestion : c’est nous qui travaillons, c’est nous qui décidons !
L’autogestion est l’application de cette démocratie directe au monde du travail. On estime que les pratiques développées dans le syndicat : limitation des décharges, rotation des mandats, définition collective des mandats… pourraient s’appliquer dans tous les pans de la société et en particulier dans le monde du travail. Il n’est aujourd’hui pas acceptable qu’une poignée d’individus possède les outils de production des richesses et décide seule de l’avenir de notre planète et des conditions de vie et de travail de ses habitant·e·s. Ce système conduit à une catastrophe écologique chaque jour plus présente et à la destruction du lien social et des solidarités. Il faut construire un nouveau modèle autogestionnaire, dans lequel ceux et celles qui travaillent, dans les entreprises, dans les services publics, dans les associations… prennent part aux décisions.
Pour des luttes qui appartiennent à celles et ceux qui se mobilisent
Le syndicat et les luttes collectives sont de véritables laboratoires pour de nouvelles pratiques démocratiques. Transformer la société et lutter contre les inégalités commence dès à présent dans la pratique syndicale. Le droit à l’information est un droit essentiel dans une société démocratique. C’est pourquoi lorsque SUD éducation siège dans les instances représentatives de l’Éducation nationale, ses équipes militantes diffusent publiquement les documents qui concernent le service public d’éducation.
De même, ce sont les équipes militantes qui font vivre la démocratie sociale sur le lieu de travail en organisant des heures d’information syndicale et des assemblées générales. Les adhérent·e·s de SUD éducation y portent des outils de démocratie directe et d’auto-organisation permettant à tou·te·s celles et ceux qui le souhaitent de s’investir.
Pour éviter par exemple que la parole ne soit monopolisée par les mêmes personnes, on peut mettre en place un tour de parole : plus besoin de jouer des coudes pour avoir le droit de parler, il suffit de s’inscrire. Pour éviter que seuls les hommes ne parlent, on peut mettre en place une double-liste, permettant d’alterner la prise de parole en fonction du genre ou de laisser parler les femmes en priorité. De même, on peut décider de la parité dans les mandats afin d’éviter que les femmes ne soient reléguées aux tâches de secrétariat par exemple.
De même, la recherche du consensus est un impératif lorsqu’on aspire à plus de démocratie. Les décisions prises doivent convenir à tou·te·s, afin d’empêcher les coups de force et l’accaparement du pouvoir par quelques un·e·s.
Enfin, lorsque naissent des mobilisations d’ampleur, on estime à SUD éducation qu’il faut dépasser le cadre habituel des intersyndicales en favorisant l’organisation soit d’assemblées générales locales avec les grévistes, soit, si la grève est très bien suivie, de coordinations départementales, académiques voire nationales de grévistes mandaté·e·s par leurs assemblées générales locales. La grève appartient à celles et ceux qui la font, syndiqué·e·s et non syndiqué·e·s.
(Re)penser et (re)construire l’ESR !
Toute crise pose la question d’un horizon : l’organisation juste de la société. Esquissons la place que pourrait y occuper l’Enseignement Supérieur et la Recherche.
Fédérer et auto-gérer l’ESR : une université émancipatrice
Depuis l’Empire, l’ESR n’est unifié que formellement, comme une grande corporation hétéroclite douée d’un ministère propre. Ainsi, l’instauration en 1975 du collège unique dans le second degré, n’a pas d’équivalent dans l’enseignement supérieur. L’opposition entre grandes écoles, entraînant des classes préparatoires toujours plus compétitives, les institutions techniques ou technologiques, directement articulées à des marchés de production, et les universités, enfin, dont les filières générales se délabrent, devient féroce. La compétition entre équipes, laboratoires et instituts de recherche est tout aussi délétère. Les statuts et les situations différenciées, professionnelles et estudiantines, explosent : notre ESR est un système à plusieurs vitesses. Pourtant, une université entendue comme lieu de réflexion, de création, de diffusion et de transmission, d’épanouissement humain et scientifique, peut constituer un horizon unifié de l’ESR. Pour penser ce couple enseignement-recherche comme « forme sociale », il convient d’envisager l’émancipation comme sa finalité première. Cela impose d’en finir avec les intérêts économiques privés, les logiques de compétition, qui renforcent les inégalités, qui technocratisent et bureaucratisent les savoirs et les sciences. L’émancipation impose la réappropriation de l’ESR par toutes ses composantes intérieures (étudiant·e·s, enseignant·e·s, chercheur·e·s, personnels techniques et administratifs) et non par ses composantes hiérarchiques centralisées (ministère, conférences des président·es d’universités ou de grandes écoles, directions d’établissements et de composantes). Par ses dimensions collectives, participatives et démocratiques, l’autogestion des établissements au sein d’un réseau public d’universités et de laboratoires fédérés, avec instauration de statuts titulaires de la fonction publique, garantirait la diversité des approches, la production libre et indépendante des savoirs, ainsi que leur partage serein, sans concurrence ni précarité.
Démocratiser et ouvrir l’ESR
Nous souhaitons un service public de l’ESR accessible à toutes et à tous, ouvrant la diffusion des activités de recherche et d’enseignement. Cette conception de l’université comme lieu de connexion entre connaissances scientifiques et savoirs populaires ou encore entre créations scientifiques et artistiques, exige que les universités, écoles et laboratoires soient des lieux publics, accessibles gratuitement à toutes et tous. Cette ouverture dépend surtout du financement des études (bourses, logements), y compris pour les reprises d’études et la formation continue. Un maillage territorial, pensé sur le mode du réseau (permettant la circulation des usagers et des personnels), permettrait l’accueil des personnes les plus éloignées de l’outil universitaire, qu’elles le soient pour des raisons géographiques, sociales, économiques, ou d’accessibilité physique. Plus largement, il s’agit de repenser les pratiques de formation et de recherche pour élargir la participation (étudiant·e·s, personnels, « non spécialistes »), en construisant des savoirs et savoir-faire émancipateurs. Cette conception des savoirs comme biens communs va de pair avec des pratiques durables, sur des temporalités longues permettant des productions interdisciplinaires en lien avec les collectifs locaux, institutionnels (associations, collectivités, services publics) comme informels. Ce lien entre pratique académique et société doit se construire loin d’une posture uniquement centrée sur l’expertise, allant souvent avec une instrumentalisation politique de la recherche. Les interactions propres au travail d’enseignement et de recherche sont cruciales, et étrangères au « virage numérique » actuel. Cette reconfiguration des pratiques pose la question du métier et de son indépendance, aujourd’hui invalidée par la recherche de financement, la technocratisation du portage de projet, la précarisation des contrats, l’individualisation du travail et la démultiplication des tâches administratives.
Une autre société : l’université solidaire et anti-hiérarchique
Nous dénonçons tous les rapports hiérarchiques, d’oppressions et de domination. L’Université est un lieu de solidarité entre personnels de toutes catégories et étudiant·e·s, impliqué·e·s dans la co-création du savoir, en prise avec la société et le monde. Toute restructuration de l’ESR au nom de « l’excellence », « d’objectifs nationaux », de « prestige », de « classement », n’est donc qu’une gestion extérieure de notre outil collectif d’émancipation.
La titularisation de tous les personnels précaires et la garantie de moyens récurrents supplémentaires sont nécessaires. De même, le pluralisme local et l’autogestion dans la prise de décision, contre le pouvoir centralisé des directions ministérielles et d’établissement. De même, la suppression de toutes les évaluations et primes inscrites dans un « management » individualisé, porteur d’inégalités, de soumission et de rupture avec la collégialité de nos métiers. De même encore, l’arrêt de tout processus de sous-traitance (pour les agent·e·s d’entretien, etc.) et l’arrêt du pillage de l’argent public (CIR, partenariats public-privé). Les rapports enseigné·e·s/enseignant·e·s demandent aussi à être repensés pour éviter des formations où l’évaluation serait le principal objectif. Nous revendiquons une augmentation générale des revenus, la réduction des écarts de rémunération vers un salaire unique, ainsi que l’instauration d’un véritable salaire social étudiant pour toutes et tous, à tout moment de la vie. Prioritairement, celles et ceux qui se destinent à l’enseignement primaire et secondaire doivent être dotés d’un statut de fonctionnaire dès leur entrée en études, et d’une véritable formation universitaire continue sur toute leur vie.
Nous affirmons l’importance du respect des libertés académiques et, avec Marie Curie, la « reconnaissance du droit des savant·e·s », notamment le droit à disposer de moyens de travail nécessaires. Le partage des savoirs demande des débats empiriques et fondamentaux au-delà de la communauté académique, en en permettant l’accès à toutes et tous.