SANTE SECURITE AU TRAVAIL. Quelle action en 2013-2014 en Ille et Vilaine ?

Les registres enfin en place

A l’automne 2013 sont arrivées des circulaires enjoignant aux différents responsables hiérarchiques de mettre en place qui des RSST (Registre Santé et Sécurité au Travail), ou des RDGI (Registre de Danger Grave et Imminent), qui des D. U. (Document Unique), qui des Commissions Hygiène et Sécurité… Cela faisait des années que SUD Education réclamait que ces outils et structures, prévues dans le code du travail (pour le RSST depuis le décret du 28 mai … 1982 !!! et la circulaire Fonction publique du 9 août … 2011 !!!) pour sauvegarder la santé de tous les salariés, soient créées dans l’Education Nationale.

Jusqu’à cette période, nos réclamations pour la mise en place de ces outils se heurtaient soit à des questions à peine innocentes (« Vous êtes sûr que c’est obligatoire ? ») soit à des silences polis, ou encore à des oppositions farouches. Evidemment, c’est dans les établissements où les personnels se trouvaient le plus en tension que les mauvaises volontés étaient les plus visibles. C’est aussi là que ces outils auraient été les plus utiles pour défendre les personnels en souffrance ou en danger.

L’arrivée de ces outils a-t-elle débloqué les situations ? Les RSST ont-ils été renseignés ? Les DU rédigés ? La mise en place des Comités Hygiène et Sécurité aux niveaux départemental et Académique a-t-elle changé la donne ? Il semble que non, en dehors de quelques exemples où les militants syndicaux et les élus en CHS ont poussé pour faire respecter le droit, comme au CHS du Finistère.

Souffrance au travail chez les enseignants

Pourtant l’enjeu n’est rien moins que faire cesser un triste record dans l’éducation nationale : les enseignants sont parmi les professionnels les plus touchés par les Risques Psycho Sociaux, les plus consommateurs de psychotropes. Autrement dit, ils font partie des salariés les plus malades au travail (enquête Fotinos-Horenstein / MGEN juin 2009). Attention, pas les plus absents ! Au contraire : nous sommes les malades du présentéisme. Diminués, fatigués, déprimés, mais présents, grâce aux anti-dépresseurs, anxiolytiques, régulateurs d’humeur, et surtout sous la pression sociale et managériale.

Et cette pression que trop d’enseignants acceptent au final, continue de jouer contre eux. Par exemple dans beaucoup des situations pour lesquelles SUD Education est intervenu l’an dernier, nombre de collègues ont reconnu ne pas avoir signalé des risques, des dangers, voire des humiliations et des mises en causes hiérarchiques portant atteinte à leur santé par crainte … de représailles.

La souffrance n

Ces appréhensions et les situations qu’elles ont engendrées ont cependant amené les équipes de certains établissements à se mobiliser collectivement contre des situations dangereuses ou pathogènes. SUD Education est intervenu lors d’HIS (Heure ou Réunion d’Information Syndicale) pour expliquer la nature des Risques Psycho Sociaux pour les enseignants, présenter les outils légaux de préservation de la santé et leur utilisation ; des A.G. se sont tenues qui ont débouché sur des pétitions, lettres, sollicitations de la hiérarchie pour faire cesser ces situations.

Un point positif est que les équipes ont compris que les dégâts sur leur santé étaient provoqués par des management pathogènes, agressifs ou au mieux maladroits, causés par la caution apportée par la hiérarchie à des conditions de travail de plus en plus intenables. Un autre point positif est que ces situations ont débouché sur des mobilisations dénonçant ces fonctionnements. La solidarité s’en est trouvée renforcée. Mais avec quels résultats ?

Ces situations ont été paradoxales au sens où l’absence (ou le retard) d’utilisation par les collègues concernés des outils légaux (fiche de RSST, signalement au CHS…) a dispensé l’administration de répondre à ses obligations légales. Un autre paradoxe est que le recours à des médiations syndicales traditionnelles (audiences …) et à des formes collectives de mobilisation (pétition, mémorandum) a débouché sur un refus de la hiérarchie de considérer les demandes présentées, suite à ses crispations…

La rédaction d’une fiche du RSST (voir mode d’emploi) quels que soient ses contenus, formes, signataires, oblige le responsable à répondre. De plus il est interdit à celui-ci de joindre la fiche au dossier administratif du requerrant. Une non-réponse, voire une réponse manifestement inadéquate peut déboucher sur la transmission de cette fiche au CHSCT départemental ou académique. Au fond c’est donc un outil de défense beaucoup plus sûr (parce que lié à la santé) qu’une mobilisation (vécue comme une remise en cause du pouvoir, même s’il est abusif). Il en est de même pour les fiches du Registre de Danger Grave et Imminent.

Les freins de la hiérarchie

Il est arrivé que le président du CHS départemental (le DASEN) s’oppose à l’inscription à l’ordre du jour du CHS 35 de certains points gênants pour la hiérarchie. En soi c’est un pur scandale, même si ce sont les textes. En gros cela signifie que l’autorité peut interdire au CHS d’aborder des sujets que la loi lui incombe de traiter. Mais que faut-il faire alors ? Que les élus CHS du personnel laissent passer ce diktat ? Ou qu’ils dénoncent ces abus et préparent une riposte ? Sur quel mandat sont-ils désignés ? Le CHS est aussi un outil de lutte, pas une chambre d’enregistrement (de la voix de son maître) !

Des consultants ont été parfois (bien) rémunérés par les Conseils d’administration des EPLE pour élaborer leur « Document Unique ». Le bilan est souvent … consternant. Ces technocrates appliquent souvent des recettes toutes faites, avec des enquêtes incomplètes, débouchant sur des documents qui sont loin de recenser les risques de façon exhaustive. Par exemple les RPS, principaux ennemis des enseignants, mais aussi des autres personnels en cas d’organisation et de management pathogènes, sont passés à la trappe. Alors que le DU est un document qui fait force d’engagement des chefs d’établissement pour éliminer les risques, les personnels n’ont pas encore assez pris conscience de cela, et ce n’est pas la hiérarchie qui les y pousse !

Avec la continuation des restrictions budgétaires, des non-créations de postes promis, et de l’accumulation des réformes, la dégradation de nos conditions de travail va continuer à provoquer des tensions et des dangers pour la santé des personnels. L’utilisation des outils RSST, Commissions Hygiène et Sécurité etc. est indispensable pour prévenir et dénoncer les risques que nous encourons. Chacun doit être convaincu de sa légitimité et de son droit à y recourir en cas de besoin.



Au niveau syndical, c’est un outil précieux pour la dénonciation de situations organisationnelles ou managériales inacceptables. La mise en danger systémique de personnels ne peut pas être acceptée par un syndicat.

Ces dénonciations sont évidemment un levier fondamental pour légitimer l’obtention de l’amélioration des moyens et des conditions de travail, pour obliger la hiérarchie à écouter et respecter ses salariés.